Un vent de discorde souffle à nouveau entre Pékin et Taipei. Le président taïwanais Lai Ching-te, investi en mai dernier, a décidé de faire escale en territoire américain lors de son premier déplacement à l’étranger. Une décision qui a immédiatement provoqué la fureur de la Chine, qui dénonce des « actions séparatistes ». Retour sur un nouveau pic de tensions entre les deux rivaux.
Des escales américaines sur fond de menaces chinoises
Selon des sources proches de l’administration présidentielle taïwanaise, Lai Ching-te fera une halte de deux nuits à Hawaï et une nuit sur l’île de Guam lors de sa visite aux îles Marshall, à Tuvalu et aux Palaos, alliés restants de Taïwan dans le Pacifique. Même si aucune rencontre officielle avec les autorités américaines n’est prévue pour le moment, le président taïwanais devrait en profiter pour « voir de vieux amis et des membres de groupes de réflexion ».
Sans surprise, cette annonce a immédiatement suscité l’ire de Pékin. « Nous nous sommes toujours opposés aux échanges officiels entre les Etats-Unis et Taïwan et à toute forme d’approbation et de soutien par les Etats-Unis des séparatistes indépendantistes de Taïwan », a martelé Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Taïwan sous pression constante de Pékin
Cette nouvelle passe d’armes s’inscrit dans un contexte de tensions permanentes entre la Chine et Taïwan, que Pékin considère comme une province rebelle destinée à revenir dans son giron, par la force si nécessaire. Depuis l’arrivée au pouvoir de Tsai Ing-wen en 2016, puis de Lai Ching-te en 2024, accusés par la Chine de vouloir creuser le fossé avec le continent, Pékin n’a cessé de renforcer sa pression militaire, diplomatique et économique sur l’île.
Face à cette menace, Taïwan a augmenté ses dépenses militaires ces dernières années pour renforcer ses capacités de défense. L’île dispose d’une industrie d’armement locale mais dépend fortement des ventes d’armes de Washington, son principal fournisseur. Un soutien qui ne fait qu’attiser la colère de Pékin.
L’armée chinoise prête à « écraser » toute tentative d’indépendance
En réaction à l’annonce de l’escale américaine de Lai Ching-te, le porte-parole du ministère chinois de la Défense a tenu des propos particulièrement belliqueux : « L’armée chinoise a pour mission sacrée de protéger la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale et écrasera résolument toutes les tentatives sécessionnistes pour l’indépendance de Taïwan ».
De son côté, l’armée taïwanaise a annoncé avoir déployé des avions, des navires et des systèmes de défense antimissile pour des manœuvres, les premières depuis juin. Elle a par ailleurs rapporté avoir détecté plusieurs ballons chinois au large de ses côtes ces derniers jours, une pratique considérée comme une forme de harcèlement « de zone grise » par Taipei.
Un équilibre fragile sous haute tension
Cette nouvelle escalade verbale et ces démonstrations de force de part et d’autre illustrent une fois de plus la fragilité de l’équilibre dans le détroit de Taïwan. Entre la détermination de Pékin à réunifier ce qu’elle considère comme son territoire, la volonté d’indépendance d’une partie de la classe politique et de la population taïwanaises, et le soutien affiché mais prudent des États-Unis à Taipei, la région reste plus que jamais une poudrière.
La visite du président Lai aux États-Unis, même si elle se limite pour le moment à de simples escales, risque donc d’être suivie de très près par toutes les chancelleries. Dans ce face-à-face tendu, la moindre étincelle pourrait mettre le feu aux poudres et déclencher une crise majeure aux conséquences imprévisibles.