Le Vendée Globe, cette mythique course autour du monde en solitaire et sans escale, bat son plein. Alors que la flotte approche d’un passage clé et redouté, le Cap de Bonne-Espérance à la pointe sud de l’Afrique, le leader Charlie Dalin voit son avance sur ses poursuivants immédiats fondre dangereusement, en particulier sur Sébastien Simon, nouveau deuxième au classement.
D’après les dernières estimations, Dalin (Macif Santé Prévoyance) ne possédait plus au petit matin que 22,88 milles d’avance sur Simon (Groupe Dubreuil), qui poursuit sa remontée spectaculaire, et 31,04 milles sur Thomas Ruyant (Vulnerable), désormais troisième. Lancés à des vitesses frôlant les 50 km/h, les skippers de tête doivent atteindre en fin de semaine le courant des aiguilles, zone à haut risque d’accidents souvent rédhibitoires.
Une mer semée d’embûches
Le leader Charlie Dalin ne mâche pas ses mots pour évoquer le passage qu’il redoute le plus sur l’ensemble du tour du monde :
C’est l’endroit que je redoute le plus du tour du monde. Il y a beaucoup de débris, des mammifères qui viennent se nourrir, des troncs d’arbre et j’en passe. La dernière fois, j’avais remonté mes foils pour passer. Il y a des chances que je fasse la même chose cette année.
Charlie Dalin, skipper Macif Santé Prévoyance
À ces vitesses, le moindre impact peut être terrible pour l’intégrité des bateaux et de leurs appendices. Dalin souligne qu’il y a une grande part d’aléatoire, malgré les précautions que peuvent prendre les navigateurs chevronnés.
Les foils, atout et talon d’Achille
Les foils, ces appendices latéraux en carbone qui permettent aux voiliers de dernière génération de s’envoler au-dessus des flots, sont un atout indéniable en termes de performance pure. Mais ils sont aussi le point faible des bateaux face aux nombreux pièges que recèle l’océan. Un comble pour ces bijoux de technologie :
Les foils nous permettent d’atteindre des vitesses de l’ordre de 50 km/h. Mais à cette allure, le moindre choc peut avoir des conséquences catastrophiques. En réduisant la voilure, on minimise un peu les risques, mais il y a toujours une grande part de chance.
Sébastien Simon, skipper Groupe Dubreuil
Rester concentré, maître-mot
Dans ces conditions, la clé est de rester constamment sur le qui-vive, scrutant la moindre anomalie à la surface de l’eau. Les nuits blanches s’enchaînent dans des conditions de plus en plus rudes à mesure que les concurrents s’enfoncent dans les mers du Sud.
Malgré la fatigue accumulée depuis le départ des Sables d’Olonne il y a maintenant presque un mois, pas question de relâcher la pression, comme le martèle Thomas Ruyant :
On navigue à la limite tout le temps, il faut rester hyper concentré en permanence. La moindre inattention peut coûter très cher. C’est épuisant mentalement mais on n’a pas le choix, c’est le prix à payer quand on joue la gagne sur le Vendée Globe.
Thomas Ruyant, skipper Vulnerable
Le Sud, juge de paix
Si le passage du Cap de Bonne-Espérance marque une étape symbolique forte, avec l’entrée dans l’Océan Indien, il signe surtout le début des mers du Sud et de conditions de plus en plus extrêmes. Vagues démesurées, vents violents, froid intense… Les marins solitaires vont devoir repousser leurs limites, dans ces contrées hostiles où les dépressions se succèdent à un rythme effréné.
C’est généralement là que se joue une grande partie de la course. Les écarts peuvent se creuser de manière irrattrapable, au gré des coups de tabac encaissés. La moindre avarie peut rapidement tourner au cauchemar, loin de toute terre et de tout assistance. Plus que jamais, la flotte du Vendée Globe marche sur des oeufs.
Dernière ligne droite avant les mers du Sud
Pour Charlie Dalin et ses poursuivants, le but est maintenant d’atteindre ce fameux Cap de Bonne-Espérance dans les meilleures conditions possibles. S’engouffrer au plus vite dans l’Océan Indien et ses dépressions fulgurantes, en laissant derrière les soucis et les adversaires.
La course contre la montre est lancée et pourrait bien être décisive. Chaque mille gagné compte désormais double, dans cette dernière ligne droite avant le grand plongeon vers le Sud. Le Vendée Globe entre dans une nouvelle dimension, celle des mers sauvages qui ont forgé sa légende.
Dans ce décor de fin du monde, sur des machines lancées à tombeau ouvert, à des latitudes où peu de marins s’aventurent, les gladiateurs des océans vont livrer une bataille sans merci. Une lutte contre les éléments et contre eux-mêmes, pour peut-être, au bout de l’effort et du dépassement de soi, brandir le trophée ultime : celui de vainqueur du Vendée Globe, consécration suprême d’une carrière de marin.