Marseille est sous le choc après les réquisitions prononcées à l’encontre de cinq militants d’extrême droite suite au déploiement d’une banderole controversée lors d’un concert caritatif en soutien à l’ONG SOS Méditerranée en juin dernier. Le message « Qu’ils retournent en Afrique », jugé raciste par beaucoup, pourrait valoir à ses auteurs jusqu’à 3 mois de prison ferme ou un stage dans un camp de concentration.
Une action coup de poing qui divise
L’action, revendiquée par le mouvement Défends Marseille sur les réseaux sociaux, a immédiatement suscité l’indignation. Pour le maire de la ville, Benoît Payan, présent au concert, SOS Méditerranée représente « l’honneur de l’humanité ». Il a réaffirmé le soutien indéfectible de Marseille à l’association.
Mais les militants assument leur geste, dénonçant « l’impunité terminée » pour ceux qu’ils qualifient « d’ennemis de la France ». Une rhétorique reprise par certaines figures de l’extrême droite comme Damien Rieu, pour qui les autorités ont d’autres priorités que de « mettre en GAV des gamins pour une banderole ».
Un précédent inquiétant ?
Au-delà du message lui-même, c’est la sévérité de la peine requise qui interroge. Si elle était confirmée, une telle condamnation créerait-elle un précédent dangereux pour la liberté d’expression ? Ou est-elle à la hauteur de la gravité des faits reprochés ?
Pour certains observateurs, sanctionner aussi lourdement une banderole, aussi choquante soit-elle, constituerait une atteinte disproportionnée à la liberté d’opinion. D’autres y voient au contraire un signal fort face à la banalisation des discours de haine.
Marseille, épicentre des tensions
Cet événement rappelle la place centrale qu’occupe Marseille, par sa situation géographique et sa sociologie, dans le débat sur l’immigration et l’identité nationale. Régulièrement pointée du doigt pour l’insécurité et le communautarisme qui y régneraient, la cité phocéenne cristallise les oppositions.
Marseille ressemble à un Medellin algérien mais on met en GAV des gamins pour une banderole contre l’immigration. Ce pays me fatigue.
– Damien Rieu, militant d’extrême droite
Une fracture qui se retrouve jusque dans les rangs de la police. Ainsi, selon des sources proches de l’enquête, certains fonctionnaires auraient exprimé leur solidarité avec les mis en cause, allant jusqu’à remettre en question le bien-fondé des poursuites.
SOS Méditerranée, une ONG clivante
Au cœur de la polémique, l’ONG SOS Méditerranée, qui porte secours aux migrants tentant la traversée entre l’Afrique et l’Europe, est devenue le symbole d’une ligne de fracture politique. Accusée par ses détracteurs de faire le jeu des passeurs et d’encourager une immigration incontrôlée, elle est défendue par ses soutiens comme un rempart humaniste indispensable.
Une controverse qui dépasse largement les frontières de Marseille et de la France, comme en témoignent les prises de position de responsables politiques étrangers. En Italie, le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini a plusieurs fois interdit à des navires d’ONG de débarquer des migrants secourus en mer. Une fermeté saluée par ses homologues allemand et autrichien.
La difficile équation marseillaise
Pour les élus locaux, l’épisode de la banderole illustre la difficulté à concilier les valeurs de solidarité et d’ouverture dont se revendique Marseille avec la réalité d’une ville confrontée à d’importantes difficultés socio-économiques et sécuritaires. Un défi incarné par la mairie des 13e et 14e arrondissements, bastion du Rassemblement National depuis 2014.
Le « vivre ensemble » fait grimacer le FN.
– Stéphane Ravier, maire RN des 13e et 14e arrondissements de Marseille
Dans ce contexte, le procès à venir sera suivi avec attention. Au-delà du sort des cinq prévenus, c’est la capacité de la ville à faire cohabiter des visions antagonistes de la société qui sera, d’une certaine manière, jugée. Avec en toile de fond, la question lancinante de la place de Marseille et de ses habitants dans le récit national.