Le procès des accusés dans l’assassinat du professeur Samuel Paty se poursuit à Paris. Au cœur des débats : le rôle controversé d’Abdelhakim Sefrioui, prédicateur islamiste de 65 ans. Deux témoins dressent des portraits radicalement différents de cet homme jugé pour son implication dans ce crime odieux qui avait choqué la France.
Le 16 octobre 2020, la vie de Samuel Paty, 47 ans, enseignant dévoué, était fauchée de façon brutale. Poignardé puis décapité par un jeune Russe tchétchène radicalisé, Abdoullakh Anzorov, à proximité du collège où il exerçait. Un acte innommable qui avait suscité une vague d’émotion et d’indignation dans tout le pays.
Si l’assassin a été abattu par les forces de l’ordre peu après, ses complices présumés sont aujourd’hui face à leurs juges. Deux d’entre eux risquent la perpétuité pour complicité d’assassinat. Six autres, dont Abdelhakim Sefrioui, sont poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste, passible de 30 ans de prison.
Un prédicateur influent mais controversé
La personnalité de Sefrioui est au cœur des interrogations. Qui est vraiment cet homme se proclamant imam ? Les témoignages de sa compagne et d’un autre imam divergent totalement.
Pour Ikram H., 34 ans, compagne de Sefrioui, ce dernier est certes « un homme de foi » mais « pas du tout radical ». Une description contestée par l’imam Hassen Chalghoumi, connu pour son combat contre l’extrémisme. Il voit plutôt en Sefrioui « un islamiste fanatique ».
Le collectif Cheikh-Yassine dans le viseur
Le nom du collectif Cheikh-Yassine revient régulièrement dans les débats. Cette organisation fondée par Sefrioui en 2004, connue pour son soutien au Hamas palestinien, est perçue différemment selon les témoins.
Sa compagne la décrit comme « une bande d’amis » avant tout. Une vision aux antipodes de celle exprimée par l’imam Chalghoumi pour qui ce nom « est significatif, c’est le gourou de l’islamisme ».
Des accusations de haine antisémite
Le procès met en lumière de sérieuses divergences quant à l’idéologie de Sefrioui. Alors que sa compagne assure qu’il n’a « rien contre les juifs », l’imam Chalghoumi rappelle avoir été qualifié « d’imam des juifs » par l’accusé. Un surnom aux relents antisémites.
Pour Chalghoumi, « c’est l’homme à l’origine des campagnes de haine » contre lui. Il raconte le harcèlement et les menaces qui l’ont contraint, lui et sa famille, à vivre sous protection policière, changent constamment de domicile et d’identité.
Manifestations hostiles et vidéo polémique
Les enquêteurs ont diffusé des vidéos accablantes de manifestations organisées par Sefrioui devant la mosquée de Drancy, fief de Chalghoumi, en 2010. On y entend l’imam être traité de « voyou » par les manifestants.
Un terme lourd de sens. Le même qu’utilisera Sefrioui dans sa vidéo désormais tristement célèbre à l’encontre de Samuel Paty, quelques jours avant son assassinat. Pour Chalghoumi, cette qualification équivaut à « une fatwa ». « L’instigateur prépare le terrain pour un exécutant », analyse-t-il gravement.
Impact sur la jeunesse et responsabilités
Si la défense soutient que l’assassin n’avait pas vu la vidéo de Sefrioui, l’imam balaye l’argument. Pour lui, « qu’importe. Elle a circulé partout », touchant une jeunesse « malheureusement naïve et fragile ». Anzorov n’avait que 18 ans.
Quand on demande à la compagne de l’accusé si cette vidéo a « mis de l’huile sur le feu », sa réponse est laconique : « non ». Elle va jusqu’à affirmer : « Si Abdelhakim n’avait pas existé, le crime aurait quand même eu lieu ».
Une analyse que rejette catégoriquement l’imam Chalghoumi : « Sans Abdelhakim Sefrioui, Samuel Paty serait toujours dans sa classe ». Un constat glaçant qui souligne les lourdes responsabilités en jeu dans ce procès hors norme. Un procès où se joue la mémoire d’un homme, d’un enseignant, victime de la barbarie. Samuel Paty, à jamais dans nos cœurs.