Au lendemain des violences post-électorales qui ont secoué le Tchad en mai dernier, l’ONG de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) hausse le ton. Dans un communiqué publié mercredi, l’organisation exige l’ouverture d’une enquête ainsi qu’un soutien financier de l’État tchadien envers les victimes et les blessés des tirs de célébration survenus lors de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle.
Des tirs meurtriers le soir de la victoire de Mahamat Idriss Déby
Quelques minutes seulement après l’annonce du triomphe dès le premier tour de Mahamat Idriss Déby, des tirs de célébration avaient retenti dans la capitale N’Djamena. Un vacarme qui s’est prolongé pendant plusieurs heures, plongeant la ville dans le chaos. Trois ans auparavant, celui qui venait d’être élu avait été désigné chef de l’État par l’armée au décès de son père, Idriss Déby Itno, qui avait régné sur le pays pendant plus de trois décennies.
Bien que les autorités aient gardé le silence sur le bilan humain de ces célébrations incontrôlées, les médias locaux avaient rapporté de nombreux morts et blessés. Le gouvernement a cependant refusé de communiquer les chiffres, interdisant même aux hôpitaux de le faire au nom du « respect du secret médical ».
HRW et une ONG locale confirment des morts et des blessés graves
Malgré cette opacité, Human Rights Watch et l’Observatoire pour la promotion et la défense des droits humains (OPDH) affirment avoir pu confirmer six cas de personnes tuées à N’Djamena. Les deux organisations disent également avoir recueilli des témoignages fiables faisant état de plusieurs autres victimes décédées des suites de leurs blessures par balle, alors que certaines se trouvaient à leur domicile au moment des faits.
Le gouvernement promet une prise en charge… qui tarde à venir
Face à l’ampleur de ces « dommages collatéraux », les autorités tchadiennes avaient assuré qu’elles prendraient « en charge gratuitement les blessés de suite des tirs de joie et de célébration ». Une promesse qui semble être restée lettre morte, puisque HRW et l’OPDH révèlent qu’au moins 14 personnes ont dû payer tout ou partie de leurs frais médicaux. Les deux ONG exigent donc que ces victimes soient remboursées.
Six mois après, toujours aucune enquête officielle
Plus grave encore, alors que six mois se sont écoulés depuis cette nuit sanglante, aucune investigation n’a été ouverte pour faire la lumière sur ces événements et établir les responsabilités. Une inaction que dénoncent Human Rights Watch et son partenaire local :
Les forces de sécurité tchadiennes doivent être tenues pleinement responsables de ces graves violations des droits à la vie, à l’intégrité corporelle et à la sécurité des tchadiens.
Pourtant, le ministre de la Défense tchadien a affirmé aux deux organisations qu’aucune plainte n’avait été déposée, au pénal comme au civil, et qu’il ne disposait d’aucune information sur des personnes tuées ou blessées. Un courrier adressé au ministère de la Justice par les ONG pour réclamer l’ouverture d’une enquête est quant à lui resté sans réponse.
Le Tchad régulièrement épinglé pour des violations des droits humains
Ce n’est malheureusement pas la première fois que le Tchad se retrouve sous le feu des critiques d’organisations de défense des droits de l’Homme. Des ONG nationales et internationales dénoncent de façon récurrente des atteintes aux libertés fondamentales ainsi qu’une répression persistante dans le pays.
Avec ces violences post-électorales et l’impunité qui semble régner en maître, le pouvoir tchadien risque une nouvelle fois de ternir son image sur la scène internationale. Il est donc urgent que les autorités prennent des mesures concrètes pour rendre justice aux victimes et à leurs familles, conformément aux demandes de Human Rights Watch. Il en va de la crédibilité du processus démocratique et du respect des droits humains au Tchad.