Imaginez un scénario impensable il y a encore quelques années : la France, empruntant sur les marchés à un taux plus élevé que la Grèce ! C’est pourtant ce qui s’est produit ce mercredi, lorsque le taux d’emprunt français à 10 ans a brièvement dépassé son équivalent grec, une première depuis plus d’une décennie. Cette situation inédite en dit long sur les inquiétudes des investisseurs quant à la trajectoire économique et politique de l’Hexagone.
Un symbole fort sur les marchés obligataires
Ce dépassement, même s’il n’a duré que quelques minutes, revêt une portée symbolique majeure. Rappelons que lors de la crise de la zone euro au début des années 2010, la Grèce avait été au bord de la faillite, contrainte de demander l’aide du FMI et de ses partenaires européens. Athènes avait dû se soumettre à une cure d’austérité drastique en contrepartie. Une décennie plus tard, le pays renoue progressivement avec la croissance et voit sa prime de risque diminuer.
À l’inverse, la France semble s’enfoncer dans une spirale négative. Malgré les avertissements répétés des agences de notation, les gouvernements successifs n’ont pas réussi à redresser durablement les comptes publics. La crise du Covid a aggravé une situation déjà fragile, faisant exploser le déficit et la dette. Et les réformes structurelles tant attendues tardent à se concrétiser, à l’image du projet de loi retraites enlisé au Parlement.
Un contexte politique tendu qui effraie les investisseurs
Car au-delà des fondamentaux économiques dégradés, c’est bien la situation politique qui cristallise toutes les craintes des marchés. Depuis les dernières élections législatives, le gouvernement ne dispose plus que d’une majorité relative à l’Assemblée Nationale. Pour faire adopter ses textes budgétaires, il est contraint de recourir à l’article 49.3 de la Constitution, au risque de se voir renverser par une motion de censure.
Ce scénario catastrophe d’une dissolution du Parlement, voire de nouvelles élections anticipées, est devenu un véritable épouvantail pour les investisseurs étrangers. Beaucoup redoutent une période prolongée d’instabilité politique qui handicaperait toute volonté de réforme et dégraderait encore davantage la signature française.
La France peut-elle devenir le nouveau maillon faible de la zone euro ?
Malgré ce signal d’alarme, la situation de la France n’est pas encore désespérée. Le pays conserve des atouts solides, comme le rappellent certains analystes :
La France reste une économie puissante et diversifiée, avec des infrastructures de qualité et une main-d’oeuvre hautement qualifiée. Sa dette est très liquide et recherchée par les investisseurs. Mais il est urgent d’envoyer un signal fort en matière de réduction des déficits.
Analyse une stratégiste obligataire d’une grande banque française
La question est donc de savoir si le gouvernement saura reprendre la main et rassurer sur sa capacité à faire passer des réformes structurelles, malgré une situation politique explosive. L’exécutif joue gros dans les prochains jours avec l’examen des budgets au Parlement. Un rejet pourrait précipiter le pays dans une crise politique et financière majeure, avec le risque de faire tanguer toute la zone euro.
Les prochains mois seront donc décisifs pour l’avenir économique de la France. Le dépassement des taux grecs doit servir d’électrochoc pour accélérer le redressement des comptes publics et restaurer la crédibilité du pays auprès des investisseurs. Faute de quoi, c’est le spectre d’un déclassement durable et coûteux qui se profile à l’horizon.