Le géant bancaire suisse UBS vient d’être acquitté en appel dans le procès retentissant dit de la « cocaïne bulgare ». Un dénouement inattendu dans cette affaire qui avait initialement vu Credit Suisse, rachetée depuis par UBS, condamnée pour blanchiment d’argent. Retour sur ce procès hors norme et ses implications.
Credit Suisse au cœur du scandale
C’est en 2022 que le scandale éclate. Credit Suisse, alors deuxième banque de Suisse, est condamnée pour blanchiment d’argent lié à un réseau de trafic de cocaïne bulgare. La banque est épinglée pour des défaillances dans ses contrôles internes entre 2007 et 2008.
Une employée, désignée par la lettre A, est également reconnue coupable d’avoir réalisé des transactions douteuses malgré des indices de l’origine criminelle des fonds. Credit Suisse écope d’une amende de 2 millions de francs suisses et d’une créance compensatrice de 19 millions.
Le début des ennuis
Mais ce procès n’est que le début des ennuis pour Credit Suisse. Dans les deux années qui suivent, la banque est éclaboussée par de multiples scandales :
- La faillite de Greensill Capital, où plus de 10 milliards de dollars avaient été investis
- L’implosion du fonds Archegos, causant plus de 5 milliards de pertes
- Des retraits massifs de clients menant à une crise de confiance
Fragilisée, Credit Suisse est au bord de la faillite début 2023. Les autorités suisses doivent intervenir en urgence pour orchestrer son rachat par UBS, son rival de toujours. Une fusion forcée qui marque un séisme dans le paysage bancaire helvétique.
Nouveau procès, nouveau dénouement
C’est dans ce contexte qu’UBS, ayant hérité des casseroles judiciaires de Credit Suisse, se retrouve à nouveau devant la justice dans le procès en appel de la cocaïne bulgare. Mais cette fois, le tribunal pénal fédéral prend une décision radicalement différente.
L’employée condamnée en première instance étant décédée entre-temps, les juges estiment qu’il n’est pas possible d’examiner sa responsabilité et celle de la banque sans violer la présomption d’innocence de la défunte. En conséquence, UBS est acquittée et la créance compensatrice de 19 millions est annulée.
UBS accueille favorablement cette décision de la Cour.
Communiqué d’UBS
Les leçons d’un procès hors norme
Au-delà du retournement de situation judiciaire, l’affaire de la cocaïne bulgare illustre les dérives qui ont miné la réputation de la place financière suisse ces dernières années. Blanchiment, défaut de surveillance, spéculation à haut risque… Les scandales à répétition ont fini par avoir raison de Credit Suisse, pourtant institution vénérable.
Pour UBS, cet acquittement est une bouffée d’oxygène bienvenue au milieu d’un processus d’intégration compliqué. La banque s’est engagée dans un vaste ménage pour solder l’héritage sulfureux de Credit Suisse. Mais la route est encore longue pour restaurer la confiance et l’image du secteur bancaire suisse, durablement écornée.
Le feuilleton judiciaire n’est peut-être pas terminé, un recours devant le Tribunal fédéral étant encore possible. Mais cette décision surprise marque déjà une étape clé dans le long chemin de rédemption d’UBS et de la finance helvétique. L’occasion aussi de s’interroger : comment en est-on arrivé là ? Quelles réformes mettre en place pour éviter ces dérives ? Les leçons seront-elles réellement tirées ?
Une chose est sûre : le procès de la cocaïne bulgare restera comme un symbole des années noires de la finance suisse. Un électrochoc qui appelle une refondation en profondeur du système. Car derrière les murs feutrés des banques, c’est la réputation d’un pays entier qui s’est jouée dans ce prétoire.