Une vive polémique enfle autour de la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française, accusé par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) de véhiculer une vision « archaïque » du monde à travers certaines définitions. Dans un communiqué au vitriol publié le 26 novembre, l’association exprime sa « stupéfaction et consternation » face au traitement des mots « race », « femme », « hétérosexualité » ou encore « négrillon ».
La LDH fustige des définitions « sidérantes »
Selon la LDH, le « traitement du racisme » par l’Académie à travers la définition du mot « race » est tout simplement « sidérant ». L’association cite la définition en question :
Chacun des grands groupes entre lesquels on répartit superficiellement l’espèce humaine d’après les caractères physiques distinctifs qui se sont maintenus ou sont apparus chez les uns et les autres, du fait de leur isolement géographique pendant des périodes prolongées.
Pour la LDH, une telle définition est « lourde d’enjeux dans le monde où nous vivons », sans plus de précisions. L’organisation s’insurge également contre la définition de « femme » comme un « être humain défini par ses caractères sexuels, qui lui permettent de concevoir et de mettre au monde des enfants ».
L’Académie réplique par la voix de Frédéric Vitoux
Contacté par une source proche du dossier, l’académicien Frédéric Vitoux, président de la Commission d’enrichissement de la langue française, s’étonne des attaques de la LDH. « S’ils trouvent choquante la définition du mot race, qu’ils s’expliquent », lance-t-il, soulignant que cette définition « a été pesée longuement » et qu’elle est celle de Claude Lévi-Strauss.
Concernant la définition de « femme », l’académicien explique :
Définir l’homme et la femme par les caractéristiques sexuelles ne veut pas dire qu’ils ont forcément des enfants…
Des mots « dynamite » source de crispations
Frédéric Vitoux reconnaît toutefois que certains termes comme « négrillon », présent dans cette 9e édition, sont aujourd’hui perçus comme péjoratifs alors qu’ils ne l’étaient pas forcément par le passé. Il concède que cette définition « est datée » et « sera sûrement revue très vite ».
Plus globalement, cette polémique illustre la difficulté à définir certains mots sensibles qui cristallisent les passions. Des mots « dynamite », pour reprendre l’expression de l’académicien, qui restent clivants malgré toutes les précautions.
La LDH demande un « erratum » et une révision
Jugeant que la langue française « mérite mieux », la LDH exhorte les éditions Fayard, chargées de la diffusion du Dictionnaire, à « prendre rapidement des mesures » :
- Insérer un erratum dans les exemplaires mis en vente
- Modifier les éditions suivantes de l’ouvrage
Pour l’association, il en va de la « responsabilité » de l’éditeur d’éviter de « justifier l’injustifiable » et d' »apporter sa pierre à des constructions intellectuelles et politiques particulièrement dangereuses ».
L’Académie, entre « conservateur » et « révolutionnaire »
Dans un discours lors de la remise du Dictionnaire le 14 novembre, Emmanuel Macron avait loué le « savant équilibre » des académiciens, capables de « produire de l’immortel contemporain ».
Dictionnaire, dans votre langue, ne rime pas avec réactionnaire. Vous parvenez à cet oxymore : produire de l’immortel contemporain.
Emmanuel Macron, le 14 novembre 2024
Le chef de l’État avait salué la capacité des Immortels à « échapper aux classifications », se montrant à la fois « conservateur » et « révolutionnaire ». Un entre-deux que la polémique actuelle vient questionner.
L’Académie maintient pour l’heure ses définitions, rappelant qu’elles sont le fruit d’un long et minutieux travail d’élaboration. Mais face à la bronca, l’institution pourrait être amenée à revoir sa copie plus tôt que prévu sur certains mots épineux. Affaire à suivre…
