Mercredi, l’Indonésie vibrait au rythme d’élections régionales majeures. Plus de 200 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour désigner gouverneurs, maires et élus locaux. Un scrutin ayant valeur de test pour le président Prabowo Subianto, 9 mois seulement après son accession au pouvoir.
Cette journée électorale décrétée fériée a vu l’installation de quelque 823 000 bureaux de vote à travers l’immense archipel qui chevauche trois fuseaux horaires. Les Indonésiens étaient invités à élire pas moins de 37 gouverneurs, 93 maires et plus de 400 élus locaux.
Jakarta, tremplin vers les plus hautes fonctions
Parmi les postes les plus convoités figure celui de gouverneur de Jakarta. La capitale indonésienne, mégalopole de plus de 10 millions d’habitants, est vue comme un marchepied idéal vers des responsabilités nationales. L’ancien président Joko Widodo, surnommé « Jokowi », en sait quelque chose : il avait lui-même occupé ce fauteuil de gouverneur avant de remporter la présidentielle en 2014.
Pramono Anung en tête, revers pour Jokowi ?
Cette année, la lutte pour Jakarta oppose principalement deux candidats. D’un côté, Pramono Anung, ancien secrétaire d’État de Jokowi. De l’autre, Ridwan Kamil, ex-gouverneur de Java-Ouest soutenu par le camp de l’ancien président. Selon les sondages sortis des urnes, Pramono Anung arrivait en tête mercredi soir avec entre 49 et 50% des voix. Son équipe a même revendiqué la victoire. Un second tour reste néanmoins possible si aucun candidat ne dépasse les 50%. Les résultats définitifs seront connus au plus tard le 16 décembre.
Si Ridwan Kamil venait à s’incliner, cela constituerait un revers pour « Jokowi » et la coalition actuellement au pouvoir. La capacité de l’ancien président à peser sur la vie politique du pays pourrait en prendre un coup.
Des élections régionales cruciales pour Prabowo
Pour le président Prabowo Subianto, l’enjeu de ces élections régionales est capital. Comme l’explique Made Supriatma, chercheur en sciences politiques, « Prabowo a besoin de soutiens au niveau régional pour garantir que son gouvernement fonctionne efficacement ». Les élus locaux auront en effet un rôle clé dans la mise en œuvre des politiques présidentielles.
Parmi les promesses de campagne de Prabowo figure notamment un ambitieux et coûteux programme de repas gratuits pour les enfants et les femmes enceintes. Les gouverneurs et maires alignés avec le président seront des relais essentiels pour déployer cette mesure sur le terrain, souligne Firman Noor, chercheur politique.
Jakarta face à ses défis du quotidien
Au-delà des enjeux politiques nationaux, les électeurs de Jakarta attendent de leur prochain gouverneur qu’il s’attaque aux problèmes chroniques de la capitale. Reni Apriani, vendeuse dans une épicerie, espère voir le futur dirigeant « anticiper pour éviter les inondations » qui frappent régulièrement la ville. Elle souhaite aussi des mesures pour l’emploi des jeunes.
Muhammad Arif, agent immobilier de 49 ans, pointe quant à lui les embouteillages monstres qui paralysent Jakarta. « J’utilise toujours ma moto pour circuler. Donc avec ces bouchons, c’est comme si je vieillissais sur la route », témoigne-t-il. Le défi s’annonce de taille pour le futur gouverneur dans une mégalopole où la circulation est souvent chaotique aux heures de pointe.
L’héritage politique de Jokowi en jeu
Ces élections régionales constituent également un test pour l’influence de l’ancien président « Jokowi » et de son entourage. Son fils aîné, Gibran, 37 ans, a ainsi été élu en février vice-président aux côtés de Prabowo. Le gendre de l’ex-chef d’État, Bonny Nasution, 33 ans, brigue quant à lui le poste de gouverneur de Sumatra du Nord.
« Si les candidats soutenus par Jokowi sont battus dans le centre de Java et à Jakarta, son influence diminuera. »
– Made Supriatma, chercheur en sciences politiques
Une seule province échappe à ces joutes électorales : celle de Yogyakarta, la capitale culturelle du pays. Cette cité spéciale est en effet dirigée par un sultan qui fait également office de gouverneur à vie. Une exception dans le paysage politique indonésien.
Au nord de Sumatra, les intempéries ont cependant perturbé le bon déroulement du scrutin. Des inondations provoquées par des pluies diluviennes ont contraint la commission électorale à reporter le vote dans certains bureaux, comme l’a indiqué un responsable local.
Ces élections régionales indonésiennes s’annoncent donc riches en enseignements. A Jakarta comme dans le reste de l’archipel, tous les regards sont tournés vers les résultats. L’avenir politique du pays et la marge de manœuvre du président Prabowo en dépendent largement.