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Tanzanie : Élections locales entachées d’accusations de meurtres et fraudes

Tanzanie : Les élections locales tournent au drame. Le principal parti d'opposition dénonce le meurtre de deux membres et des fraudes massives. La présidente Samia Suluhu Hassan saura-t-elle apaiser les tensions avant les prochaines échéances?

Les élections locales qui se sont tenues mercredi en Tanzanie ont été marquées par de graves accusations portées par le principal parti d’opposition, Chadema. Selon des sources proches du parti, deux de ses membres auraient été tués à la veille du scrutin, tandis que des fraudes massives auraient été constatées dans plusieurs circonscriptions du pays.

Un scrutin sous haute tension

Ces élections locales étaient très attendues en Tanzanie, car elles constituaient un véritable test démocratique dans un contexte de répression politique accrue ces derniers mois. Il s’agissait également des premières élections organisées depuis l’arrivée au pouvoir de la présidente Samia Suluhu Hassan, qui avait succédé en mars 2021 au président John Magufuli, décédé brutalement.

Malgré les promesses de transparence et d’équité formulées par la cheffe de l’État à la veille du scrutin, le déroulement du vote a été émaillé de nombreux incidents. Environ 31 millions d’électeurs tanzaniens étaient appelés à désigner plus de 80 000 élus locaux à travers le pays.

Meurtres d’opposants et arrestations arbitraires

Mais alors que le vote était en cours, le parti Chadema a révélé que deux de ses membres avaient été tués mardi soir. Selon les informations communiquées, George Juma, un candidat du parti, aurait été abattu à son domicile par la police dans la région centrale de Manyoni. Steven Chalamila, un responsable local du parti dans la circonscription de Tunduma (sud-ouest), aurait quant à lui succombé à ses blessures après avoir été attaqué à la machette chez lui.

La police a confirmé le décès de George Juma, mais a livré une version différente des faits, affirmant qu’il avait été tué par des « tirs de sommation en l’air » de gardiens de prison voisins intervenus lors d’un affrontement entre membres du parti au pouvoir et de l’opposition. De son côté, le parti Chadema « condamne tous les meurtres » et demande à la police « d’arrêter et de traduire les auteurs en justice ».

Ce climat de violence intervient après des mois de répression envers l’opposition. Plusieurs responsables de Chadema, dont son président Freeman Mbowe, ont été arrêtés à de multiples reprises ces derniers temps. Le parti accuse les autorités de pratiquer enlèvements et arrestations arbitraires pour museler toute voix dissidente à l’approche des échéances électorales.

Accusations de fraudes massives

Au-delà des violences, le parti d’opposition a également fait état de nombreuses irrégularités lors du scrutin de mercredi. Ses agents auraient découvert des urnes remplies de « bulletins pré-cochés » en faveur des candidats du parti au pouvoir dans au moins cinq circonscriptions.

Mais alors qu’ils tentaient d’intervenir, ces agents de Chadema auraient été arrêtés par la police, les empêchant de stopper la fraude. Le parti exige des explications du ministère en charge des gouvernements locaux concernant ces bulletins truqués retrouvés « dans diverses régions du pays ».

Chadema affirme par ailleurs n’avoir pu présenter des candidats que dans un tiers des circonscriptions, alors que le parti au pouvoir était présent sur l’ensemble du territoire. L’opposition avait pourtant décidé de participer à ces élections locales après avoir boycotté le précédent scrutin en 2019, dénonçant déjà des fraudes.

Inquiétudes pour la suite du processus démocratique

Ces graves accusations ternissent la crédibilité de ces élections locales et font planer le doute sur la volonté réelle du pouvoir de garantir un processus démocratique apaisé et transparent. Beaucoup s’inquiètent d’une dérive autoritaire du régime, malgré les promesses initiales de la présidente Samia Suluhu Hassan d’inaugurer une nouvelle ère politique.

Les regards sont désormais tournés vers les prochaines échéances électorales prévues dans le pays, avec la présidentielle et les législatives de 2025 en ligne de mire. La communauté internationale et les défenseurs des droits humains appellent le gouvernement tanzanien à tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur les violences et garantir des élections libres et équitables.

Car au-delà des enjeux de pouvoir, c’est la stabilité et l’avenir démocratique de ce pays d’Afrique de l’Est qui sont en jeu. La Tanzanie, longtemps citée en exemple pour sa stabilité, se retrouve à la croisée des chemins. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si le pays saura renouer avec les valeurs démocratiques ou s’enfoncera dans une dérive autoritaire aux conséquences potentiellement désastreuses pour sa population et la région toute entière.

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