Près de 90 ans après sa précédente édition, le dictionnaire de l’Académie française fait son grand retour dans une version remaniée et augmentée. Mais à peine publiée, cette 9ème mouture suscite déjà une vive polémique. En cause : certaines définitions jugées rétrogrades, voire discriminatoires, par la Ligue des droits de l’homme (LDH).
Un dictionnaire attendu de longue date
Fruit d’un travail titanesque mené pendant plus de quatre décennies, le nouveau dictionnaire de l’Académie a été officiellement remis au président Emmanuel Macron le 14 novembre dernier. Cet ouvrage de référence, dont la première édition remonte à 1694, n’avait plus été actualisé depuis 1935. Une éternité à l’échelle de l’évolution de la langue française.
Comptant désormais 59 000 mots, contre 35 000 auparavant, ce dictionnaire nouvelle génération se veut le reflet de la richesse et de la diversité du vocabulaire hexagonal. Mais pour la LDH, certains choix éditoriaux posent question et témoignent d’une vision « au mieux archaïque » de notre société.
La controverse des définitions
Parmi les entrées les plus problématiques aux yeux de l’association figurent celles liées à des notions sensibles comme la race, le genre ou l’orientation sexuelle. Ainsi, le dictionnaire définit la « race » comme :
Chacun des grands groupes entre lesquels on répartit superficiellement l’espèce humaine d’après les caractères physiques distinctifs qui se sont maintenus ou sont apparus chez les uns et les autres, du fait de leur isolement géographique pendant des périodes prolongées.
Une formulation que la LDH juge « consternante », estimant qu’elle valide l’existence de races humaines différenciées. La ligue épingle aussi la mention d’une personne « jaune » pour désigner un individu asiatique « par opposition à Blanc et à Noir ».
Des stéréotypes de genre dénoncés
Le terme « femme » n’échappe pas non plus à la polémique. Qualifiée d’« être humain défini par ses caractères sexuels qui lui permettent de concevoir et de mettre au monde des enfants », cette définition semble réduire la gent féminine à sa seule fonction reproductrice.
De même, en présentant l’hétérosexualité comme une relation « naturelle » entre les sexes, le dictionnaire sous-entendrait selon la LDH que l’homosexualité ne l’est pas, véhiculant là encore une vision normative et dépassée.
Un appel à rectifier d’urgence
Face à ces définitions problématiques, la LDH exhorte l’Académie à revoir en profondeur le contenu de son dictionnaire. L’association demande des modifications substantielles pour gommer toute connotation discriminante ou stigmatisante.
Pour l’heure, l’institution du quai de Conti n’a pas officiellement réagi à la polémique. Mais selon certaines sources, des débats animés agiteraient déjà les coulisses de la vénérable maison, partagée entre la volonté de défendre son travail et la nécessité de s’adapter aux évolutions sociétales.
Une chose est sûre : cette 9ème édition du dictionnaire, censée marquer un jalon historique, risque surtout de rester dans les annales pour les vives controverses qu’elle suscite. Preuve que la langue, loin d’être figée, reste un terrain de luttes symboliques et un miroir des tensions qui traversent notre époque.
