Marseille est une nouvelle fois le théâtre de violences liées aux guerres de territoires entre gangs de narcotrafiquants. Dernière victime en date de ces affrontements sans merci : une ex-policière liée au gang des Yoda, dont le domicile a été la cible de deux attaques en moins d’une semaine. Des faits qui mettent en lumière l’ascension fulgurante puis la chute de ce groupe criminel qui a régné en maître sur de nombreux points de deal de la cité phocéenne.
Une ex-adjointe de police dans le viseur
Tout commence le 21 novembre dernier. Selon une source proche de l’enquête, cinq individus s’introduisent dans l’immeuble d’une ancienne adjointe de police située dans le 4ème arrondissement de Marseille. Ils tentent de mettre le feu à la porte de son appartement avant d’ouvrir le feu sur la façade avec un fusil à pompe et une arme de poing. Un étui de calibre 12 sera retrouvé sur place par les forces de l’ordre.
Quatre jours plus tard, rebelote. Des malfaiteurs aspergent d’essence le palier de l’appartement et y mettent le feu à l’aide d’un jerricane. L’ex-policière, qui n’a pas froid aux yeux, se lance alors à leur poursuite. Mais l’un des incendiaires présumés la menace avec un revolver, la forçant à battre en retraite. Plus de peur que de mal, aucun blessé n’est à déplorer. Une enquête est ouverte par le commissariat local pour « menaces et intimidations ».
Les liens troubles de la victime avec le milieu
Mais qui est donc cette ancienne représentante des forces de l’ordre qui attise autant de haine ? Après vérifications, il s’avère que cette Marseillaise n’est autre que la sœur d’un membre actif du gang des Yoda, un des groupes criminels les plus puissants de la ville. Des liens familiaux avec le milieu qui n’ont pas manqué de faire grincer quelques dents au sein de la police.
Les liens familiaux de cette Marseillaise dérangeaient au sein de l’institution policière, qui a finalement décidé de l’écarter des rangs de ses adjoints début novembre dernier.
Une source proche du dossier
Des soupçons de collusion qui ont finalement poussé sa hiérarchie à la démettre de ses fonctions début novembre, bien qu’aucun fait répréhensible n’ait pu lui être reproché. Depuis sa mise à l’écart, la jeune femme et sa famille sembleraient être la cible d’intimidations répétées. S’agit-il d’un simple hasard de calendrier ou ces attaques sont-elles liées à son éviction ? Si les pistes restent ouvertes, un lien avec le démantèlement du gang des Yoda n’est pas à exclure.
Ascension et chute du gang des Yoda
Étoile montante du banditisme marseillais, le gang des Yoda, nommé ainsi en référence au célèbre maître Jedi de Star Wars, a connu une ascension aussi fulgurante que sa chute fut brutale. Au fil des années, le groupe parvient à mettre la main sur de nombreux points de deal juteux dans les quartiers nord de la ville. Une expansion territoriale qui attise les convoitises, en particulier celles de son principal rival, la DZ Mafia.
S’engage alors un bras de fer impitoyable pour le contrôle des trafics. Fusillades, règlements de comptes, assassinats ciblés : tous les coups sont permis. La DZ Mafia ira même jusqu’à recruter des tueurs à gages pour éliminer deux membres influents des Yoda en Espagne. Une stratégie payante puisque le groupe adverse voit ses rangs s’éclaircir, notamment après l’arrestation début 2023 de son leader emblématique Félix Bingui.
Affaibli au terme d’un contentieux à l’origine de dizaines de morts partout dans la cité phocéenne, le gang des Yoda, dont le nom est inspiré du célèbre personnage de Star Wars, semble aujourd’hui réduit à l’état de léthargie.
Marseille, théâtre d’une guerre sans fin
Au final, cette nouvelle affaire met une fois de plus en évidence l’extrême violence des affrontements entre groupes criminels qui gangrènent Marseille. Selon un décompte officiel, les règlements de comptes ont fait 23 morts en 2022 et 11 depuis le début de l’année. Dans une écrasante majorité des cas, les victimes comme les auteurs présumés sont très jeunes.
Face à cette situation, les autorités tentent de réagir avec les moyens dont elles disposent. Saisies records de drogues et d’armes, coup de filet dans le milieu, renforcement des effectifs policiers : le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a promis des résultats. Mais dans les quartiers nord délaissés, chaque arrestation semble immédiatement comblée par l’arrivée d’une nouvelle recrue prête à en découdre. Un cercle vicieux que même la dissolution des Yoda ne suffira pas à enrayer.