Une nouvelle escalade dans la guerre de l’information opposant la Russie à l’Occident vient de se produire. Selon des sources proches du dossier, les autorités allemandes auraient ordonné la fermeture du bureau berlinois de Pervy Kanal, une importante chaîne de télévision publique russe.
Le Kremlin n’a pas tardé à réagir, promettant des mesures de rétorsion dans la journée qui pourraient se traduire par l’expulsion d’Allemagne d’un média équivalent. Moscou affirme vouloir répliquer de manière proportionnée à ce qu’il considère comme une atteinte à la liberté de la presse.
Berlin accuse Pervy Kanal de propager la désinformation
Dans un reportage diffusé à l’antenne, le correspondant de Pervy Kanal à Berlin a révélé qu’un document officiel allemand présenterait la chaîne russe comme une menace pour la sécurité du pays et un dangereux vecteur de propagande, alors que des millions de russophones vivent en Allemagne.
Durant la première moitié de décembre, Ivan Blagoï et Dmitri Volkov devront quitter le territoire de la République fédérale d’Allemagne.
Ivan Blagoï, correspondant de Pervy Kanal à Berlin
La chaîne Pervy Kanal, qui signifie « Première Chaîne » en russe, est connue pour son alignement sans faille sur les positions du Kremlin, en particulier dans sa couverture du conflit en Ukraine. De nombreuses personnalités y martèlent régulièrement un discours anti-occidental virulent.
Konstantin Ernst, une figure centrale des médias russes dans le collimateur
Pervy Kanal est dirigée par Konstantin Ernst, qui fait l’objet de sanctions de l’Union Européenne. Considéré comme l’un des hommes les plus puissants du paysage audiovisuel russe, il a joué un rôle clé dans la construction de l’image de Vladimir Poutine, orchestrant notamment les grandes mises en scène destinées à illustrer la toute-puissance du président russe.
Moscou promet une réponse ferme et ciblée
Face à cette décision de Berlin, la réaction de Moscou ne s’est pas fait attendre. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexander Grouchko, a déclaré à l’agence de presse officielle Ria Novosti :
Il est évident que nous allons continuer de nous battre pour les droits de nos journalistes, et nous utiliserons tous les moyens nécessaires. Mais s’il n’y a pas de changement, nous devrons rendre la pareille.
Alexander Grouchko, vice-ministre russe des Affaires étrangères
La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a pour sa part indiqué qu’une vingtaine de médias allemands sont actuellement accrédités en Russie, laissant entendre que l’un d’eux pourrait faire les frais des représailles russes, à l’image d’une chaîne de la TV publique allemande comme ARD ou ZDF.
Une guerre de l’information qui s’envenime
Cet épisode s’inscrit dans un contexte de fortes tensions entre la Russie et les pays occidentaux sur le front médiatique et informationnel depuis le début de l’offensive russe en Ukraine. En février 2022, Moscou avait déjà fermé le bureau de la radiotélévision allemande Deutsche Welle, en représailles à l’interdiction de diffusion en Allemagne de la chaîne russe RT, accusée de désinformation.
Depuis, la pression n’a cessé de s’accroître sur les journalistes et médias étrangers en Russie, avec de sévères restrictions sur l’octroi de visas et un climat de suspicion généralisée. Plusieurs correspondants occidentaux ont dû quitter le pays, tandis que d’autres ont été arrêtés, à l’instar de l’Américain Evan Gershkovich, détenu plus d’un an avant d’être libéré lors d’un échange de prisonniers.
En parallèle, de nombreux journalistes et médias russes indépendants ont été contraints à l’exil, muselés ou classés « agents de l’étranger », une qualification particulièrement infamante et lourde de menaces dans le contexte russe actuel.
Cette nouvelle passe d’armes russo-allemande illustre une fois de plus la bataille acharnée qui se joue dans le domaine informationnel et médiatique, où chaque camp cherche à faire taire les voix dissonantes et à imposer son récit. Une tendance inquiétante qui semble partie pour durer et s’amplifier, au détriment de la liberté de la presse et du droit des citoyens à une information libre et plurielle.