C’est un véritable cri d’alarme que lance Sophie Binet, Secrétaire Générale de la CGT. Lors d’un entretien accordé aux Échos ce mercredi 27 novembre, la cheffe de file du syndicat tire à boulets rouges sur la multiplication des plans sociaux en France. Un phénomène inquiétant qui, selon ses estimations, pourrait menacer jusqu’à 200 000 emplois dans les mois à venir. Décryptage d’une situation explosive qui fait craindre le pire pour le tissu économique et social français.
Une accélération brutale des plans de licenciements
Depuis plusieurs mois, Sophie Binet observe avec une inquiétude grandissante la recrudescence des plans sociaux dans l’Hexagone. Mais ces dernières semaines, la situation semble s’être nettement aggravée :
Nous sommes face à une accélération très forte de la dégradation de la situation. Près de 250 plans de licenciements sont en préparation, concernant entre 170 000 et 200 000 emplois.
Sophie Binet, Secrétaire Générale de la CGT
Un constat alarmant, fruit d’un recensement effectué par les militants du syndicat sur le terrain. Si l’industrie, en particulier l’automobile et l’aérospatial, est en première ligne, d’autres secteurs comme la grande distribution sont également touchés de plein fouet.
Vers un effet domino dévastateur ?
Au-delà des chiffres bruts, la dirigeante syndicale redoute surtout un « raz-de-marée » dans les prochains mois, avec des plans sociaux en cascade :
Ces plans ont lieu surtout dans les grandes entreprises, les restructurations risquent d’avoir des conséquences sur les petits sous-traitants, beaucoup plus nombreux.
Sophie Binet
Autrement dit, c’est tout un écosystème qui pourrait s’effondrer si rien n’est fait pour enrayer cette spirale infernale. Un scénario catastrophe qui plongerait des dizaines de milliers de familles dans la précarité.
La responsabilité des grandes entreprises pointée du doigt
Pour la leader cégétiste, les principaux responsables de cette hémorragie d’emplois sont tout désignés : les grandes entreprises. Celles-ci auraient fait le choix, pendant la période inflationniste, « d’augmenter leurs marges et leurs prix pour augmenter leurs dividendes ». Une stratégie court-termiste qui se fait au détriment des investissements, des salaires et donc de la consommation.
Un plan d’urgence pour endiguer la casse sociale
Face à cette situation critique, Sophie Binet appelle à des mesures d’urgence pour tenter d’enrayer la machine à broyer les emplois. Parmi ses principales revendications :
- Un retour aux prix régulés de l’énergie pour l’industrie
- Des barrières douanières européennes plus protectrices
- Un renforcement de la loi Florange obligeant les entreprises à chercher un repreneur
- Un moratoire sur les licenciements pendant la recherche d’une solution de reprise
Autant de propositions chocs qui visent à responsabiliser les entreprises et à donner plus de moyens aux salariés et à leurs représentants pour s’opposer aux plans sociaux.
Des États Généraux de l’industrie pour une refondation en profondeur
Au-delà des mesures d’urgence, la numéro un de la CGT plaide pour une véritable réflexion de fond sur l’avenir du tissu productif français. Un chantier titanesque qui passerait, selon elle, par l’organisation d’États Généraux de l’industrie afin de « tout remettre à plat ».
Car derrière la crise conjoncturelle actuelle se cache en réalité une crise structurelle bien plus profonde. Celle d’un modèle industriel à bout de souffle, miné par des décennies de délocalisations, de désinvestissements et de course effrénée aux profits. Un constat amer qui appelle des remèdes de cheval si l’on veut éviter le naufrage socio-économique qui se profile à l’horizon.
Reste à savoir si le gouvernement et le patronat entendront cet ultime cri d’alarme. Car le temps presse. Chaque jour qui passe, ce sont des centaines d’emplois qui partent en fumée, brisant autant de vies et menaçant la cohésion même de notre société. Il y a urgence à agir, avant qu’il ne soit trop tard.