Le débat sur l’identité nationale et l’immigration se retrouve une fois de plus sur le devant de la scène, alors que deux sociologues, Solène Brun et Claire Cosquer, s’élèvent contre ce qu’elles considèrent comme des fantasmes et de la paranoïa véhiculés par l’extrême droite. Dans une tribune publiée récemment, elles remettent en question les concepts de grand remplacement, de francocide et de racisme antiblanc, les qualifiant de constructions idéologiques sans fondement scientifique.
Une blanchité en danger, un scénario anxiogène
Selon les deux chercheuses, l’idée d’une « blanchité en danger » s’inscrit dans une longue histoire d’anxiétés raciales, intimement liées à la défense d’une suprématie blanche. L’extrême droite agite depuis longtemps le spectre d’un « péril » qui menacerait l’Europe, qu’il soit juif, jaune ou, aujourd’hui, musulman. Le thème du racisme antiblanc et de la haine de l’Occident participent de cette même logique, mettant en scène une population blanche qui serait menacée d’être « grand-remplacée » ou même assassinée.
Le fantasme de la blanchité en danger, qui serait victime de « racisme », s’inscrit dans une longue histoire d’anxiétés raciales quant à la mise en danger du groupe majoritaire et intimement liées à la défense de la suprématie blanche.
Solène Brun et Claire Cosquer, sociologues
Un négationnisme antiscientifique virulent
Pour les deux sociologues, les pressions exercées par l’extrême droite reposent sur une inversion totale des faits, dans un geste trumpiste qui assume presque de n’avoir cure de la vérité. Elles dénoncent un négationnisme antiscientifique qui nie l’existence d’un privilège blanc, pourtant documenté par de nombreuses enquêtes en sciences sociales. Ce mépris du réel rappelle la mobilisation réactionnaire contre les études de genre, présentant le genre comme une « théorie » déconnectée des réalités empiriques.
Une menace pour les sciences sociales
Au-delà du débat sur l’immigration, c’est la liberté académique et la légitimité des sciences sociales qui sont en jeu. En tentant de faire annuler une conférence de l’universitaire Maboula Soumahoro au Parlement européen, l’extrême droite cherche à bâillonner les chercheurs qui analysent les inégalités raciales. Une menace inacceptable, selon Solène Brun et Claire Cosquer, qui appellent à défendre l’indépendance de la recherche face aux pressions idéologiques.
Face à la montée des discours anxiogènes sur l’identité et l’immigration, les sciences sociales ont un rôle crucial à jouer pour déconstruire les fantasmes et éclairer le débat public. Mais pour cela, encore faut-il qu’elles puissent travailler sereinement, à l’abri des intimidations et des tentatives de censure. Un enjeu démocratique majeur, à l’heure où la « post-vérité » gangrène le débat politique.