C’est une affaire qui secoue le monde éducatif depuis plusieurs mois. En février dernier, Philippe Le Guillou, proviseur du lycée Maurice-Ravel à Paris, a été menacé de mort pour avoir demandé à une élève de retirer son voile islamique, conformément au principe de laïcité. Après des mois d’angoisse, l’un des accusés vient d’être condamné. Mais le combat est loin d’être terminé pour cet homme qui a consacré sa vie à l’enseignement.
Des menaces de mort pour avoir fait respecter la loi
Tout a commencé par un simple rappel à la règle. En février 2024, Philippe Le Guillou demande à une lycéenne de son établissement d’ôter son voile, en application de la loi de 2004 qui interdit les signes religieux ostensibles dans les écoles publiques. Mais très vite, la situation dégénère. Le proviseur fait l’objet d’une campagne de harcèlement et de menaces de mort sur les réseaux sociaux.
Malgré le choc, Philippe Le Guillou a d’abord tenté de continuer à travailler normalement. « Au début, j’étais dans le déni. Je disais à tout le monde que tout allait bien », confie-t-il lors d’un entretien exclusif. Mais un mois après le début de l’affaire, sur insistance de ses proches, il finit par se mettre en retrait pour des raisons de sécurité.
Un lourd tribut personnel et professionnel
Depuis, sa vie a basculé. Assigné à résidence pour sa protection, Philippe Le Guillou vit dans la peur constante de représailles. Cet homme de 64 ans, qui a consacré 44 années à l’Éducation nationale, dont 30 comme proviseur, se retrouve brutalement coupé de son métier et de ses élèves. « C’est très dur à vivre. J’espère que ça ne va pas durer dix ans », souffle-t-il, la voix étreinte par l’émotion.
Au-delà de son cas personnel, Philippe Le Guillou s’inquiète surtout des répercussions de cette affaire sur l’ensemble du système éducatif. Selon lui, les pressions communautaristes se font de plus en plus fortes dans les établissements, mettant à mal le principe de laïcité. « Beaucoup de mes collègues n’osent plus faire respecter la loi par peur des représailles », déplore-t-il.
Un jugement en demi-teinte
Mi-novembre, l’affaire a connu son premier dénouement judiciaire. L’un des trois hommes poursuivis pour avoir proféré des menaces de mort à l’encontre de Philippe Le Guillou a été condamné à 600 euros d’amende et un stage de citoyenneté. Un jugement que le proviseur et le parquet jugent trop clément. Les deux parties ont fait appel de la décision.
« Cette amende ridicule est une invitation à multiplier les provocations islamistes », s’insurge l’essayiste Céline Pina, y voyant un signe de la frilosité de la justice face aux pressions communautaristes. D’après une source proche du dossier, un autre prévenu sera jugé à son tour ce jeudi à Bourg-en-Bresse.
« L’école ne doit pas céder face aux pressions »
Malgré les épreuves, Philippe Le Guillou reste déterminé à défendre les valeurs qui ont guidé toute sa carrière. « L’école de la République ne doit pas céder face aux revendications religieuses ou aux pressions communautaristes, quel qu’en soit le prix », martèle-t-il. Un message qui résonne particulièrement trois ans après l’assassinat de Samuel Paty.
Pour l’ancien proviseur, cette tragédie doit servir d’électrochoc. Il appelle les pouvoirs publics à réaffirmer avec force le principe de laïcité et à protéger les enseignants en première ligne. « Si nous laissons l’idéologie l’emporter sur les règles communes, c’est tout notre modèle de société qui vacillera », prévient-il.
Une affaire symptomatique d’un malaise plus profond
Au-delà du cas du lycée Maurice-Ravel, les atteintes à la laïcité en milieu scolaire se multiplient ces dernières années, suscitant l’inquiétude dans la communauté éducative. Selon un récent sondage, 40% des enseignants disent avoir été confrontés à des contestations du principe de laïcité.
Face à cette situation préoccupante, le ministre de l’Éducation a annoncé un plan d’action pour renforcer la formation des personnels et mieux accompagner les équipes confrontées à des incidents. Des mesures jugées insuffisantes par beaucoup, qui réclament une clarification juridique et une réponse pénale plus ferme.
Autant de questions que le procès à venir et les suites judiciaires de l’affaire du lycée Maurice-Ravel ne manqueront pas de soulever. En attendant, Philippe Le Guillou espère retrouver un jour son lycée et poursuivre sa mission au service de la jeunesse. Avec une conviction intacte : « l’école doit rester un sanctuaire républicain ».