L’affaire avait fait grand bruit en 2021. Deux professeurs de l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble étaient publiquement accusés d’islamophobie par des élus étudiants. Leurs noms et photos avaient même été placardés sur les murs de l’établissement. Plus de trois ans après, le tribunal administratif vient enfin de rendre son verdict tant attendu dans ce dossier sensible.
Retour sur la genèse d’une controverse
Tout commence en mars 2021 quand des affiches fleurissent sur les murs de Sciences-Po Grenoble. On peut y lire les noms de deux enseignants de l’IEP, accompagnés des mentions « Des fascistes dans nos amphis » ou « L’islamophobie tue ». Le syndicat étudiant à l’origine de ces collages les accuse de tenir des propos discriminatoires envers les musulmans pendant leurs cours.
L’affaire prend rapidement une ampleur nationale. Le gouvernement condamne fermement ces méthodes et parle de « mise en danger » des professeurs. La ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, Frédérique Vidal, réclame des « sanctions » contre les auteurs des affiches. Une enquête est ouverte par le parquet.
Des professeurs divisés
Au sein de l’IEP, les avis sont partagés. Si la direction prend ses distances avec les accusations, elle est critiquée pour sa réaction tardive. Du côté du corps enseignant, les positions sont contrastées. Un des professeurs visés, Klaus Kinzler, dénonce un « manque de soutien » de certains collègues. Il affirme que le débat sur l’islam serait devenu « tabou » à l’institut.
Les étudiants, eux, semblent divisés. Si le syndicat ayant réalisé les collages persiste et réclame des excuses des enseignants mis en cause, d’autres s’inquiètent des dérives de ce type d’actions. Des voix s’élèvent pour rappeler l’importance de la présomption d’innocence et des risques d’une « chasse aux sorcières ».
Une décision très attendue
Plus de trois ans après les faits, le tribunal administratif de Grenoble était très attendu. Fallait-il sanctionner les étudiants ayant publiquement accusé leurs professeurs ? Les enseignants visés avaient-ils réellement tenu des propos problématiques ? C’est finalement un jugement en demi-teinte qui a été rendu.
Les juges ont en effet considéré que les accusations portées par les élus étudiants ne constituaient pas une « atteinte à l’ordre public » justifiant des poursuites. La plainte pour « discrimination syndicale » déposée par l’Union syndicale contre un des professeurs a également été classée sans suite, l’infraction étant jugée « insuffisamment caractérisée ».
Un épilogue en demi-teinte
Si ce jugement semble mettre un terme à l’aspect judiciaire du dossier, il est loin de clore le débat. Pour certains, il s’agit d’une victoire de la liberté d’expression étudiante. D’autres y voient un coup porté à la réputation et à la sérénité des enseignants, désormais sous la menace permanente de telles mises en cause publiques.
Il faut espérer que cette affaire permettra une prise de conscience. Sur la nécessité absolue de préserver la liberté académique, tout en luttant contre toutes les formes de discriminations. C’est un équilibre fragile mais essentiel pour nos universités.
Une source proche du dossier
Une chose est sûre, le débat sur les limites de la liberté d’expression et de la critique au sein du monde universitaire est loin d’être clos. L’affaire de Sciences-Po Grenoble aura eu le mérite de le mettre en lumière, sans pour autant y apporter de réponse définitive. Il appartiendra à chaque établissement de trouver le point d’équilibre entre la liberté de parole et le respect dû à chacun. Un enjeu majeur pour l’avenir de l’enseignement supérieur.