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Le Sri Lanka lance une restructuration de sa dette privée

Face à une crise économique sans précédent, le Sri Lanka se résout à restructurer 12,5 milliards de dollars de dette privée pour débloquer l'aide vitale du FMI. Le nouveau gouvernement de gauche aura-t-il les moyens de redresser le pays ? Découvrez les enjeux de cette opération à hauts risques.

Face à la pire crise économique de son histoire, le Sri Lanka n’a d’autre choix que de se plier aux exigences du Fonds monétaire international (FMI) pour espérer un répit. Le nouveau gouvernement de gauche du pays a ainsi lancé ce mardi une opération de restructuration de 12,5 milliards de dollars de dette détenue par les créanciers privés, une étape cruciale pour débloquer l’aide promise par le FMI. Une pilule amère à avaler pour le marxiste Anura Kumara Dissanayake, porté au pouvoir en septembre dernier sur la promesse de renégocier l’accord.

Un pays épuisé par la crise

Le Sri Lanka sort à peine de la pire crise économique de ses 75 ans d’indépendance. L’île s’est retrouvée en 2022 à court de devises étrangères pour financer ses importations essentielles, provoquant de graves pénuries alimentaires, de carburant et de médicaments. En juillet, l’ampleur de la crise et l’inflation galopante ont déclenché un mouvement de protestation populaire qui a fait chuter le président Rajapaksa.

Nous exprimons notre gratitude à nos créanciers extérieurs, au FMI et au Comité officiel des créanciers pour leur bonne foi dans les négociations.

– Anura Kumara Dissanayake, président du Sri Lanka

L’étau de la dette

Incapable d’honorer ses engagements, le Sri Lanka a été contraint de faire défaut sur sa dette publique qui s’élevait alors à 46 milliards de dollars. Pour obtenir un renflouement de 2,9 milliards de dollars de la part du FMI, le gouvernement a dû s’engager dans une brutale cure d’austérité : hausses d’impôts massives, coupes dans les dépenses publiques et restructuration d’une cinquantaine d’entreprises d’État.

Les créanciers privés mis à contribution

Après de longues tractations, le Sri Lanka est parvenu à un accord avec ses créanciers privés pour restructurer 12,5 milliards de dollars de dette obligataire. Cela implique :

  • L’effacement de 27% du nominal
  • L’annulation de 11% des intérêts dus depuis le défaut de paiement

Un sacrifice considérable pour des investisseurs déjà échaudés, mais un préalable indispensable pour espérer un retour des capitaux sur l’île. D’après des experts, cet accord ouvre la voie à un possible rééchelonnement de la dette détenue par les États créanciers, dont la Chine et l’Inde qui se disputent l’influence dans la région.

Le grand écart du nouveau pouvoir

Cette restructuration impose un grand écart idéologique au nouveau président Dissanayake, un marxiste de formation converti sur le tard à l’économie de marché. Durant sa campagne, il avait vivement critiqué l’accord passé avec le FMI par l’ancien gouvernement, le jugeant trop défavorable. Mais face à l’urgence économique et au risque d’isolement, il a fini par s’y rallier au nom du réalisme.

En politique, il faut parfois savoir avaler des couleuvres pour avancer. L’essentiel est de préserver l’intérêt national.

– Un membre du gouvernement sri-lankais

Une lueur d’espoir

Si ce revirement peut sembler un reniement, il témoigne surtout d’une prise de conscience. Malgré ses réticences de principe envers le FMI, le gouvernement admet que cette restructuration est un passage obligé pour sortir le pays de l’ornière et retrouver la confiance des investisseurs.

Avec ce premier accord, une lueur d’espoir apparaît pour les 22 millions de Sri-Lankais lourdement éprouvés par la crise. À condition que le président Dissanayake réussisse son pari : faire accepter socialement les sacrifices imposés par le FMI tout en préservant un minimum de justice et de cohésion. Le défi s’annonce immense pour ce dirigeant inexpérimenté dans un pays profondément divisé et abîmé par la crise.

IndicateurAvant la criseAujourd’hui
PIB par habitant3 682 USD (2018)3 815 USD (2023)
Taux d’inflation4,3% (2018)35,3% (2022)
Taux de pauvreté4,1% (2016)14,3% (2022)
Réserves de change6,9 Mds USD (2018)1,9 Mds USD (2022)

Pour les Sri-Lankais, le chemin de la reconstruction sera long et laborieux. La restructuration de la dette n’est qu’une première étape pour redonner un avenir à cette nation meurtrie. Face au défi de la décennie, le nouveau pouvoir devra faire preuve d’habileté, de droiture et d’humanité pour panser les plaies d’un pays au bord du gouffre.

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