C’est une annonce qui sonne comme un coup de tonnerre dans le paysage industriel français. ArcelorMittal, le numéro un mondial de l’acier, a confirmé lors d’un CSE ce lundi sa décision de fermer définitivement deux de ses sites en France, à Reims et Denain. Une sentence sans appel qui met en péril pas moins de 136 emplois et plonge les régions concernées dans l’incertitude.
ArcelorMittal tire un trait sur Reims et Denain
Selon des sources syndicales, le couperet est tombé lors d’un comité social et économique (CSE) organisé sur le site de Reims lundi. La direction d’ArcelorMittal a confirmé aux représentants du personnel sa volonté de cesser toute activité sur les sites de Reims, dans la Marne, et de Denain, dans le Nord. Ces deux « centres de services » emploient respectivement 112 et 24 personnes, soit environ un quart des effectifs totaux d’ArcelorMittal Centres de services en France.
Une décision brutale qui devrait prendre effet rapidement. D’après les syndicats, « l’arrêt de la production est prévu en juin ». Contactée, la direction d’ArcelorMittal n’a pas souhaité faire davantage de commentaires à ce stade.
L’acier français en crise
Ce choix stratégique, s’il est confirmé, constituerait un nouveau coup dur pour la filière sidérurgique française, déjà lourdement impactée ces dernières années. Entre la crise sanitaire, la flambée des prix de l’énergie et la concurrence internationale féroce, l’acier tricolore traverse une passe particulièrement difficile. De nombreux sites ont déjà dû réduire la voilure ou cesser leur activité, à l’image des hauts-fourneaux de Florange en Lorraine.
Pour le géant ArcelorMittal, numéro un mondial du secteur, cette décision viserait à « adapter son outil industriel dans un marché en surcapacité », selon le syndicat Force Ouvrière. Un constat partagé par plusieurs spécialistes du secteur. « Clairement, le Covid et la crise énergétique ont fragilisé la demande en acier sur le marché français et européen », décrypte Michel Garnier, expert des matières premières chez CTF Consultors. « Les acteurs sont contraints de rationaliser leurs capacités pour rester compétitifs. »
136 emplois menacés, élus locaux mobilisés
Au delà des considérations industrielles et économiques, c’est un véritable drame social qui se profile pour les 136 salariés employés sur les deux sites menacés. Un chiffre non-négligeable au regard des 600 personnes qui travaillent pour ArcelorMittal Centres de services en France.
Sidérés, les élus locaux des territoires concernés ont fait part de leur « consternation » et demandent des comptes au groupe sidérurgique. D’après un proche du dossier, « les maires et parlementaires de la Marne et du Nord vont exiger très rapidement des garanties sur le maintien des emplois et envisagent d’interpeller le gouvernement ».
Le ministère de l’Économie et des Finances, justement, suit le dossier avec une « attention particulière », a-t-on appris auprès de Bercy. « La priorité est de trouver les meilleures solutions possibles pour les salariés en termes de maintien d’emploi ou de reclassement », souligne le cabinet de Bruno Le Maire, qui promet de « mobiliser tous les leviers en ce sens ».
Vers un avenir encore plus sombre pour la sidérurgie ?
Au delà du choc immédiat, cette annonce sème l’inquiétude sur l’avenir de toute la filière sidérurgique française. De plus en plus fragilisée, celle-ci peine à se relever et à affronter les défis d’une compétition mondialisée. Sans compter les impératifs de décarbonation et de transition écologique qui représentent autant d’obstacles supplémentaires.
« C’est un signal très négatif envoyé par le leader mondial », s’alarme Édouard Martin, ancien syndicaliste de Florange. « On a l’impression qu’ArcelorMittal ne croit plus dans l’acier français. Mais sans une vision stratégique et des investissements, c’est toute l’industrie qui est condamnée à péricliter. » Un avis partagé par les syndicats de Reims et Denain, qui appellent à défendre « l’indépendance industrielle » du pays.
Reste à savoir si les autorités publiques – État et collectivités – parviendront à peser pour inverser la tendance. Selon certaines sources, des discussions seraient en cours avec d’autres groupes européens, notamment allemands, pour envisager des reprises de sites. Et les grands projets à venir, comme les JO de Paris ou les chantiers éoliens offshore, pourraient aussi offrir de nouvelles perspectives à l’acier tricolore. Mais il y a urgence si l’on veut éviter une lente et inexorable agonie.
C’est toute la France industrielle qui vacille avec ces annonces. Si on ne se bat pas maintenant pour nos usines, nos compétences, nos savoir-faire, c’est un pan entier de notre économie et de notre histoire qui risque de disparaître.
Un syndicaliste d’ArcelorMittal Reims