Le Bangladesh traverse une période de fortes tensions interreligieuses depuis la chute en août dernier de la Première ministre autocrate Sheikh Hasina, chassée du pouvoir après 20 ans de règne par une révolution menée par des étudiants. Dans ce pays d’Asie du Sud peuplé de 170 millions d’habitants, dont 90% de musulmans, la minorité hindoue est en proie à une vague d’exactions. Dernièrement, un moine hindou qui organisait des manifestations pour appeler à la protection de sa communauté a été arrêté par la police bangladaise à Dacca.
Un climat délétère pour les minorités religieuses
Depuis l’éviction chaotique de Sheikh Hasina il y a 4 mois, les minorités religieuses du Bangladesh font face à une recrudescence d’attaques. Les hindous, qui représentent environ 8% de la population et sont perçus par certains comme des soutiens de l’ancien régime, ont subi une série de représailles dans les jours qui ont suivi le renversement de la Première ministre. Dans le même temps, des sanctuaires soufis musulmans ont été visés par des extrémistes islamistes, longtemps muselés sous le gouvernement de Sheikh Hasina mais désormais enhardis à descendre dans la rue.
Face à la montée des violences, des groupes hindous se sont mobilisés pour tenter de défendre leur communauté. Parmi eux, le Bangladesh Sammilito Sanatan Jagaran Jote, dont le porte-parole Chinmoy Krishna Das Brahmachari a été arrêté lundi à Dacca alors qu’il se rendait à Chittagong pour diriger un important rassemblement. Selon une source proche du dossier, une plainte avait été déposée contre lui en octobre pour manque de respect au drapeau national lors d’une précédente manifestation.
Appels à la libération du moine hindou
Le groupe hindou a immédiatement appelé la population à former une chaîne humaine mardi dans tout le pays pour réclamer la libération de son leader. De son côté, le Conseil pour l’unité des hindous, bouddhistes et chrétiens du Bangladesh, qui défend les minorités religieuses, a vivement condamné cette arrestation. Chinmoy Krishna Das Brahmachari était auparavant membre de la société internationale de la conscience de Krishna (ISKCON), plus connue sous le nom de mouvement Hare Krishna, avant de rejoindre le Bangladesh Sammilito Sanatan Jagaran Jote.
Un pays fragilisé par l’autoritarisme et les tensions
L’arrestation de cette figure de la contestation hindoue intervient dans un Bangladesh sous haute tension depuis la chute brutale de Sheikh Hasina. Âgée de 77 ans, celle qui régnait d’une main de fer sur le pays depuis 1996 (avec une interruption entre 2001 et 2009) a dû fuir son palais en hélicoptère le 5 août après des semaines de manifestations sévèrement réprimées. Accusée d’avoir fait exécuter, enlever ou emprisonner des centaines d’opposants politiques, Sheikh Hasina laisse un pays fragilisé et profondément divisé.
Dans ce contexte explosif, les minorités religieuses craignent de faire les frais d’un regain d’influence des mouvements islamistes les plus radicaux. L’indignation suscitée par l’arrestation du moine Chinmoy Krishna Das Brahmachari souligne la gravité de la situation et les inquiétudes de la communauté hindoue. Beaucoup redoutent que ces tensions ne dégénèrent en affrontements communautaires si les autorités ne parviennent pas à ramener le calme et à protéger efficacement les minorités.
Alors que le pays aspire à retrouver la stabilité après des années d’autoritarisme, la question du vivre-ensemble et des droits des minorités religieuses apparaît comme un défi majeur pour le Bangladesh post-Hasina. L’avenir dira si ce pays d’Asie du Sud parviendra à surmonter ses fractures et à construire une société apaisée et inclusive.