Un véritable tremblement de terre politique a secoué la Roumanie au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. Contre toute attente, c’est un candidat prorusse méconnu du grand public, Calin Georgescu, qui est arrivé en tête avec près de 23% des voix. Il sera opposé le 8 décembre prochain à Elena Lasconi, maire novice en politique nationale. Le Premier ministre libéral pro-européen, donné favori, est relégué à une humiliante troisième place.
Une campagne surprise sur les réseaux sociaux
Le succès de Calin Georgescu, 62 ans, a pris de court tous les observateurs. Cet ancien diplomate peu connu s’est fait remarquer dans les derniers jours de campagne avec des vidéos virales sur TikTok, dans lesquelles il s’opposait fermement à toute aide militaire à l’Ukraine voisine et fustigeait l’OTAN. Un positionnement en rupture avec la ligne pro-occidentale suivie par la Roumanie depuis la chute du communisme.
Dans une allocution dimanche soir, le candidat s’est félicité que « le peuple roumain ait crié pour la paix, et qu’il ait crié très fort, extrêmement fort ! » Son discours mystique aux accents complotistes semble avoir fait mouche auprès d’un électorat désorienté par la crise économique et les tensions géopolitiques à la frontière.
L’extrême droite en force
Calin Georgescu a coiffé au poteau un autre candidat d’extrême droite plus attendu : George Simion, 38 ans, chef du parti ultra-nationaliste AUR. Avec près de 14% des voix, celui-ci réalise tout de même une performance remarquée et promet de peser dans les futures tractations. Selon les experts, les idées radicales ont désormais le vent en poupe dans le pays :
« L’extrême droite est de loin la grande gagnante de cette élection, avec plus d’un tiers des suffrages. »
Cristian Pirvulescu, politologue
Fort de ce résultat, AUR pourrait bénéficier d’un « effet de contagion » aux législatives prévues dimanche prochain. Les négociations s’annoncent houleuses pour constituer une coalition gouvernementale stable dans ce pays stratégique, porte d’entrée de l’OTAN et de l’UE en Ukraine.
Entre déception et espoirs de changement
Dans les rues de Bucarest, c’est l’incrédulité et la division qui dominent. Certains se réjouissent de voir émerger un nouveau visage, à l’instar de Maria, retraitée de 70 ans :
« Calin Georgescu semble être un homme intègre, sérieux et patriote, capable d’apporter du changement. Finies les courbettes devant l’Occident, place à plus de fierté et de dignité ! »
Maria Chis, retraitée
D’autres s’inquiètent d’un dangereux virage après des années d’ancrage euro-atlantique. Alex, chef d’entreprise, évoque sa « tristesse et sa déception face à ce vote prorusse ». Mais selon lui :
« Il s’agit davantage d’un vote contre les partis traditionnels favorisé par la désinformation sur les réseaux sociaux, que d’un positionnement de fond en faveur du Kremlin. »
Alex Tudose, entrepreneur
Quel scénario pour le second tour ?
Les projecteurs sont maintenant braqués sur Elena Lasconi, 52 ans, maire d’une petite ville qui incarne les espoirs du camp pro-occidental. Malgré son inexpérience à ce niveau, elle tentera de l’emporter face à son adversaire ouvertement prorusse. Reste à savoir si les Roumains, dans un pays où les préjugés machistes restent ancrés, sont prêts à élire pour la première fois une femme au sommet de l’État.
La campagne du second tour s’annonce tendue, avec en toile de fond l’avenir géostratégique d’un pays où l’influence russe ne cesse de s’affirmer. Mais quelle que soit l’issue du scrutin, une page semble en train de se tourner dans le pays qui jusqu’ici résistait aux sirènes nationalistes à l’œuvre ailleurs en Europe centrale. L’élection du 8 décembre sera cruciale pour confirmer ou infirmer cette tendance lourde.