Le spectre des mines antipersonnel refait surface en Ukraine. Alors que les États-Unis ont annoncé leur intention de fournir ces armes controversées à Kiev dans sa lutte contre l’invasion russe, l’ONU tire la sonnette d’alarme. Lors d’une conférence au Cambodge, pays lourdement touché par ce fléau, le secrétaire général Antonio Guterres a dénoncé la « menace renouvelée » que représentent ces engins meurtriers.
Un défi persistant malgré les progrès
Si d’importants efforts de déminage et de destruction des stocks ont été réalisés dans le monde, Guterres souligne que la menace est loin d’être éradiquée. Il pointe notamment du doigt la reprise de l’utilisation des mines par certains États parties à la Convention d’interdiction, ainsi que les retards pris dans les engagements de destruction.
Un appel au respect des obligations qui vise indirectement l’Ukraine, signataire de la Convention contrairement à la Russie et aux USA. Kiev n’a pas souhaité commenter les livraisons américaines annoncées, qualifiées pourtant de « très importantes » par le président Zelensky pour contrer les attaques russes.
Le lourd tribut du Cambodge
Le choix du Cambodge pour accueillir cette conférence est symbolique. Ce pays d’Asie du Sud-Est reste l’un des plus touchés au monde par les mines, héritage de plus de 30 ans de guerre civile. Depuis 1979, ces engins ont tué environ 20 000 personnes et en ont blessé le double. Aujourd’hui encore, plus de 1600 km² doivent être déminés, affectant la vie de plus d’un million de Cambodgiens.
Près de 6000 victimes dans le monde en 2022
Au-delà du Cambodge, les mines antipersonnel continuent de faire des ravages. Selon la Campagne internationale pour leur interdiction (ICBL), au moins 5757 personnes ont été tuées ou blessées par ces armes et autres restes explosifs de guerre dans le monde en 2022. Un bilan lourd qui souligne l’urgence d’universaliser la Convention et d’en respecter les engagements.
Une décision américaine critiquée
Dans ce contexte, l’annonce des livraisons de mines par Washington à l’Ukraine a suscité l’indignation des ONG de défense des droits humains. Une décision jugée contre-productive dans la lutte pour éradiquer ces armes, et qui risque de compliquer encore davantage la tâche titanesque de déminage une fois le conflit terminé.
L’Ukraine face à un dilemme
Pour Kiev, la question est épineuse. Alors que le pays a ratifié la Convention d’interdiction et s’est engagé à ne pas utiliser ces armes, la réalité du terrain et les impératifs militaires semblent prendre le pas. Une position inconfortable et critiquée, mais que les autorités justifient par la nécessité de protéger la population et l’intégrité territoriale face à l’agresseur russe.
Un combat de longue haleine
Au-delà du cas ukrainien, cette conférence au Cambodge rappelle que la lutte contre les mines antipersonnel est un combat de tous les instants. Si des progrès notables ont été réalisés depuis l’adoption de la Convention en 1997, le chemin vers un monde débarrassé de ces armes est encore long et semé d’embûches.
Un défi immense qui nécessite une mobilisation constante de la communauté internationale, afin que plus aucun civil ne paie le prix fort de ces engins des guerres passées et présentes. Car derrière chaque mine, ce sont des vies brisées, des familles endeuillées et des territoires rendus invivables. Un héritage empoisonné dont l’humanité doit impérativement se libérer.