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Sénégal : La France Accusée d’Occulter le Massacre de Thiaroye

80 ans après le massacre de dizaines de tirailleurs sénégalais par les forces coloniales françaises, le Sénégal commémore cet événement tragique. Un historien accuse la France d'avoir délibérément cherché à occulter ce drame de la mémoire collective. Une page sombre de l'histoire qui refait surface...

En ce dimanche de commémoration, le Sénégal rend hommage aux victimes du massacre de Thiaroye, survenu le 1er décembre 1944 près de Dakar. Ce 80ème anniversaire revêt une dimension autant mémorielle que politique pour le nouvel exécutif sénégalais, qui entend marquer une rupture avec le passé. L’historien Mamadou Diouf, interrogé par l’AFP à New York, pointe du doigt la responsabilité de la France dans l’occultation de ce drame.

Un acte de souveraineté et de panafricanisme

Pour M. Diouf, qui préside le comité de commémoration, cet événement est porteur d’un double engagement : souverainiste et panafricain. En effet, les tirailleurs massacrés étaient originaires de différents territoires africains alors sous domination française. Leur mémoire devient ainsi un trait d’union entre les peuples du continent.

Le nouvel exécutif sénégalais compte faire de cette date un rendez-vous annuel, en rupture avec le « silence coupable et complice » des régimes précédents. Une position fermement imposée par la France selon l’historien, depuis Léopold Sédar Senghor jusqu’à Macky Sall.

La France accusée d’entraver l’accès à la vérité

M. Diouf n’hésite pas à incriminer directement les autorités françaises, les accusant de s’être « évertuées à dissimuler » la réalité du massacre. Dissimulation du nombre réel de victimes, de l’ampleur de la répression, occultation des fosses communes… Autant d’éléments qui demeurent inaccessibles, les archives restant jalousement gardées par la France.

« Il nous semble que depuis 80 ans il y a, de manière délibérée, une volonté de soustraire le massacre de l’espace public de la délibération et de l’ordre historique et mémoriel. »

Mamadou Diouf, historien

Une délégation d’historiens et d’archivistes sénégalais doit se rendre prochainement en France pour tenter de débloquer la situation. Au menu des discussions : l’accès et la numérisation des archives relatives au massacre, pour l’ensemble des pays africains concernés.

Hollande reconnaît les faits, mais de manière incomplète

Si en 2014, le président français François Hollande avait qualifié les événements de Thiaroye d' »épouvantables » et « insupportables », évoquant une « répression sanglante », sa promesse de remettre l’intégralité des archives n’a été que partiellement tenue. Une reconnaissance en demi-teinte pour les historiens, qui estiment que « le compte n’y est pas encore ».

« François Hollande restera dans l’Histoire comme le président qui a reconnu la responsabilité de la France dans les événements de Thiaroye, au Sénégal, mais le compte n’y est pas encore. »

Armelle Mabon, historienne

Pas un règlement de comptes, mais un devoir de mémoire

Mamadou Diouf se défend toutefois de vouloir instrumentaliser cette commémoration à des fins de règlement de compte avec l’ex-puissance coloniale. L’enjeu est ailleurs : rétablir une vérité historique trop longtemps occultée et falsifiée. Un préalable indispensable pour envisager sereinement l’avenir des relations entre la France et ses anciennes colonies.

« L’entreprise est une interrogation sur un événement occulté, sur une mémoire entravée et sur une histoire falsifiée. Ce n’est pas une entreprise de condamnation de la France. »

Mamadou Diouf, historien

Un chantier de longue haleine qui ne fait que débuter. Car au-delà de la reconnaissance des faits, les attentes sont importantes côté sénégalais : procès en révision, réparations, identification des sépultures… Autant de questions encore en suspens, 80 ans après les faits. La quête de vérité et de justice pour les victimes de Thiaroye est loin d’être achevée.

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