C’est une nouvelle qui a résonné avec force ce samedi 23 novembre à Strasbourg. Alors qu’il commémorait le 80e anniversaire de la libération de la ville alsacienne du joug nazi, le président Emmanuel Macron a annoncé que l’historien et résistant Marc Bloch entrerait prochainement au Panthéon. Une décision symbolique forte pour honorer celui que le chef de l’État a qualifié d'”homme des Lumières dans l’armée des ombres”.
Marc Bloch, un destin tragique au service de la France
Né en 1886, Marc Bloch était un éminent historien, spécialiste du Moyen-Âge et professeur à l’université de Strasbourg de 1919 à 1936. Mais au-delà de sa brillante carrière académique, c’est son engagement dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale qui lui vaudra la panthéonisation posthume annoncée par Emmanuel Macron.
Mobilisé en 1939, Marc Bloch s’engage activement dans la lutte clandestine contre l’occupant nazi à partir de 1942. Mais son destin bascule le 8 mars 1944, lorsqu’il est arrêté par la Gestapo à Lyon. Emprisonné et torturé, il sera fusillé avec 29 autres résistants le 16 juin 1944, à l’âge de 57 ans. Une fin tragique pour celui qui aura combattu jusqu’au bout les forces de l’obscurantisme.
L’hommage de la Nation à un “grand homme”
Avec cette panthéonisation, annoncée 80 ans jour pour jour après la libération de Strasbourg où Marc Bloch enseigna pendant près de 20 ans, Emmanuel Macron a souhaité rendre un hommage solennel à son courage et son sacrifice. “Pour son oeuvre, son enseignement et son courage, nous décidons que Marc Bloch entrera au Panthéon”, a déclaré le président lors de son discours place Broglie.
“Assassiné par ceux dont il relevait la barbarie dans L’étrange défaite, il est le visage des livre brûlés, celui des consciences libres martyrisées. Mais jamais vaincues.”
Emmanuel Macron, à propos de Marc Bloch
Le chef de l’État a également remis la Légion d’honneur à titre posthume à Daniel Bloch, le fils de l’historien résistant. Un geste pour saluer la mémoire d’un “grand homme” qui a payé de sa vie son combat contre la barbarie nazie.
Marc Bloch, un précurseur de “l’histoire totale”
Si Marc Bloch est entré dans la légende pour son engagement résistant, il fut aussi un immense historien qui a révolutionné sa discipline. Avec son collègue Lucien Febvre, il fonde en 1929 la célèbre revue des Annales d’histoire économique et sociale, qui aura une influence décisive partout dans le monde.
En élargissant le champ de la recherche historique à la sociologie, la géographie, la psychologie et l’économie, Marc Bloch pose les bases d’une “histoire totale”, ancrée dans le temps long et ouverte sur les autres sciences humaines. Une approche novatrice qui inspirera des générations d’historiens.
“Par sa vie et son œuvre, Marc Bloch incarne jusqu’au sacrifice suprême les valeurs de la connaissance, de la vérité et de la liberté.”
Communiqué de l’Élysée
Un panthéon pour “repenser la vie de la Nation”
Avec l’entrée de Marc Bloch, le Panthéon accueillera une figure multifacette, à la fois universitaire visionnaire, patriote indomptable et martyr de la liberté. Un choix qui s’inscrit dans la volonté d’Emmanuel Macron de faire du monument parisien un lieu pour “repenser la vie de la Nation” en y honorant de grandes figures.
Après l’entrée de Maurice Genevoix en 2020 pour incarner les combattants de 14-18, puis celle de Joséphine Baker en 2021 pour ses engagements, le président poursuit ainsi sa politique mémorielle au Panthéon. Avec Marc Bloch, héros de l’ombre et pionnier de la connaissance, c’est un pan capital mais méconnu de notre histoire qui sera mis à l’honneur sous la coupole du temple républicain.
La mémoire vive de la Résistance alsacienne
Au-delà de l’hommage à Marc Bloch, la cérémonie strasbourgeoise fut aussi l’occasion pour Emmanuel Macron de célébrer la Résistance alsacienne dans son ensemble, avec une pensée particulière pour les 130 000 “Malgré-nous” incorporés de force dans l’armée allemande.
Longtemps un sujet douloureux et tabou, le sort de ces hommes considérés comme Allemands suite à l’annexion et contraints de porter l’uniforme ennemi a été évoqué avec gravité par le chef de l’État. Celui-ci a ensuite déposé une gerbe au camp de concentration de Natzweiler-Struthof, seul camp nazi en territoire français, rappelant les souffrances endurées par l’Alsace occupée.
80 ans après, alors que les derniers témoins nous quittent, l’entrée au Panthéon de Marc Bloch prend une signification particulière. Elle rappelle le courage de ces Français qui, comme lui, ont tenu tête à l’envahisseur hitlérien souvent au prix de leur vie. Et grave dans le marbre de la mémoire nationale le souvenir de cette sombre page d’histoire, pour que jamais nous n’oublions le sacrifice des résistants.