Un véritable séisme diplomatique secoue actuellement les relations entre l’Afghanistan et l’Allemagne. Selon des sources proches du ministère allemand des Affaires étrangères, le régime taliban au pouvoir en Afghanistan a pris la décision de rappeler plusieurs diplomates afghans en poste sur le territoire allemand. Cette mesure sans précédent soulève de nombreuses questions quant à l’avenir des liens entre les deux pays.
Un rappel qui ébranle la diplomatie afghane en Allemagne
D’après nos informations, ce sont les chefs des représentations afghanes à Berlin et Bonn, respectivement l’ambassade et le consulat général, qui ont été rappelés par le gouvernement taliban. Le point commun entre ces diplomates ? Ils avaient tous été nommés et accrédités par le précédent gouvernement afghan, bien avant la prise de pouvoir des talibans en août 2021.
Suite à une réunion au ministère allemand le 15 octobre dernier, la gestion de ces deux représentations a été confiée à des chargés d’affaires désignés par le régime taliban actuel. Un changement qui ne passe pas inaperçu côté allemand. En effet, Berlin a clairement fait savoir qu’elle ne considérait pas « le régime de facto des talibans comme le gouvernement légitime de l’Afghanistan » et qu’elle n’accréditerait donc « aucun diplomate nommé par eux en Allemagne ».
Des désaccords profonds entre talibans et diplomates
Mais que s’est-il passé en coulisses pour en arriver là ? Selon certaines sources, de profonds désaccords opposeraient depuis un certain temps déjà les talibans d’un côté, et l’ambassadeur et le consul général de l’autre. Un différend qui aurait fini par pousser le gouvernement taliban à ne plus accepter les visas et passeports délivrés par ces deux représentations diplomatiques.
Désormais, seuls les documents émis par le consulat général de Munich, qui n’est pas concerné par ce rappel, sont encore reconnus par le régime en place à Kaboul. Une situation qui risque de compliquer singulièrement les démarches pour les quelque 500 000 Afghans vivant actuellement en Allemagne, dont beaucoup sont arrivés lors de la crise migratoire de 2015.
Le bras de fer diplomatique se poursuit
Loin de se limiter à l’Allemagne, ce bras de fer diplomatique initié par les talibans semble prendre une ampleur internationale. Cet été, le gouvernement afghan avait en effet annoncé, dans un courrier envoyé à de nombreuses chancelleries occidentales, vouloir couper tout lien avec les missions diplomatiques dont les employés avaient été nommés par la République islamique d’Afghanistan avant mi-août 2021. Une République considérée comme ennemie par les talibans.
Pendant trois ans, ces ambassades n’ont cessé de dénoncer les agissements des talibans, tout en continuant à émettre passeports et visas.
Face à cette requête pour le moins directe, la quasi-totalité des pays occidentaux sollicités, qui ne reconnaissent pas officiellement l’autorité des talibans, ont choisi de ne pas s’exécuter. Seuls la Norvège et le Royaume-Uni ont donné droit à la demande du gouvernement taliban, en fermant leur ambassade afghane en septembre dernier.
Quelles répercussions pour l’Afghanistan et l’Allemagne ?
Au-delà du symbole, ce rappel des diplomates afghans par les talibans risque d’avoir de lourdes conséquences sur les relations, déjà tendues, entre l’Afghanistan et l’Allemagne. Berlin, qui n’a de cesse de dénoncer les violations des droits de l’Homme perpétrées par le régime Taliban, pourrait être tentée de durcir encore sa position.
Côté afghan, ce coup de force diplomatique vise clairement à asseoir un peu plus la légitimité internationale du gouvernement taliban, toujours en quête de reconnaissance plus d’un an après sa prise de pouvoir. Reste à savoir si cette stratégie portera ses fruits ou si elle ne fera au contraire qu’isoler un peu plus l’Afghanistan sur la scène internationale.
Une chose est sûre : dans ce bras de fer diplomatique, ce sont les centaines de milliers d’Afghans installés en Allemagne qui risquent de se retrouver pris en étau. Privés de représentation officielle, ils pourraient voir leurs démarches administratives considérablement compliquées. Une situation humanitaire potentiellement explosive qui nécessitera toute l’attention de la communauté internationale dans les mois à venir.