Le fabricant suédois de batteries électriques Northvolt traverse une passe des plus délicates. Croulant sous une dette astronomique de 5,84 milliards de dollars, l’entreprise vient de demander son placement sous la protection du Chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Une décision lourde de conséquences, qui s’accompagne du départ de son cofondateur et PDG Peter Carlsson.
Une situation financière désespérée
Avec seulement 30 millions de dollars de liquidités disponibles pour faire face à une dette colossale, Northvolt se trouvait au pied du mur. Sans un nouveau financement, l’entreprise ne pouvait tenir qu’une semaine, comme l’a souligné le groupe dans sa demande de placement sous le Chapitre 11. Un aveu d’impuissance pour celui qui était considéré comme l’un des grands espoirs européens dans la course aux batteries électriques.
Pour éviter la disparition pure et simple, Northvolt a obtenu in extremis un financement de 100 millions de dollars de la part de Scania, constructeur de poids lourds et filiale de Volkswagen, lui-même actionnaire du fabricant de batteries. Un prêt garanti de 145 millions de dollars sur les actifs de l’entreprise a également été débloqué.
Le financement actuel va nous permettre de tenir jusqu’au début de l’année prochaine, et nous avons besoin de nous recapitaliser, mais je suis convaincu que nous serons en mesure de le faire.
Peter Carlsson, lors de sa dernière conférence de presse en tant que PDG de Northvolt
Recentrage sur les batteries et plan social
Pour tenter de redresser la barre, Northvolt a décidé de recentrer son activité sur la seule production de cellules de batteries, abandonnant le reste de la chaîne (cathodes, recyclage…). Un virage stratégique qui s’accompagne d’un lourd tribut social, avec la suppression de 1 600 emplois sur 6 500 et le gel du développement de son principal site de production à Skelleftea, dans le nord de la Suède.
Une restructuration douloureuse mais jugée indispensable pour adapter l’entreprise aux besoins des clients et assurer la pérennité de ses activités. Les retards de production accumulés ces derniers mois et le ralentissement de la demande des constructeurs automobiles ont précipité la chute de Northvolt.
Changement de direction
Signe de la gravité de la situation, Peter Carlsson, cofondateur et visage de Northvolt, tire sa révérence. Reconnaissant son échec, il estime que c’est “le bon moment pour passer le relais à la prochaine génération de dirigeants”. La direction opérationnelle est assurée par la directrice financière Pia Aaltonen-Forsell et le directeur des opérations Matthias Arleth, épaulés par Scott Millar, spécialiste des restructurations. La recherche d’un nouveau PDG est lancée.
Une recapitalisation indispensable
Malgré les mesures d’urgence, le sort de Northvolt reste plus qu’incertain. Tout va se jouer dans les prochains mois avec la nécessaire recapitalisation de l’entreprise. La procédure de restructuration sous le Chapitre 11 doit permettre de trouver une solution pérenne d’ici fin mars 2025.
Dans cette bataille pour sa survie, Northvolt pourra compter sur le soutien de certains de ses grands clients et actionnaires, Volkswagen en tête. Mais cela suffira-t-il à convaincre de nouveaux investisseurs de miser sur l’entreprise ? Rien n’est moins sûr tant la confiance semble ébranlée, comme en témoigne l’échec des discussions avec Volkswagen et Goldman Sachs pour une recapitalisation à la mi-novembre.
Un coup dur pour l’industrie européenne des batteries
Au-delà du cas Northvolt, c’est toute l’industrie européenne des batteries qui risque de pâtir de cette défaillance. Alors que l’Europe tente à marche forcée de rattraper son retard face aux géants asiatiques, chinois et coréens en particulier, la chute d’un des ses fers de lance fait désordre. Il y a urgence à massifier les investissements en faveur d’une filière stratégique pour réussir la transition vers l’électrique.
Face aux milliards injectés par les États asiatiques pour doper leurs champions nationaux, l’Europe va devoir mettre les bouchées doubles sous peine de se faire encore plus distancer. Des projets comme la “Battery Alliance”, lancée par Bruxelles, doivent monter en puissance rapidement. C’est une question de souveraineté industrielle et technologique. Sinon, le Vieux continent risque de rester durablement dépendant de fournisseurs étrangers pour équiper sa future flotte de véhicules électriques.
Un avenir en pointillé
Pour Northvolt, l’heure est à la survie et à la restructuration. Avec un plan draconien, un nouveau financement d’urgence et une gouvernance remaniée, l’entreprise se donne les moyens de rebondir. Mais le chemin sera long et semé d’embûches pour regagner la confiance des investisseurs et des clients.
Cet épisode aura eu le mérite de rappeler la fragilité des startups, même les plus prometteuses, face aux lois impitoyables du marché. Dans le secteur hautement concurrentiel et capitalistique des batteries, la moindre erreur de stratégie ou d’exécution peut s’avérer fatale. Northvolt en fait aujourd’hui la douloureuse expérience. À lui de prouver qu’il peut transformer l’essai et rebondir. L’avenir de l’industrie européenne des batteries en dépend en partie.