Dans les couloirs feutrés du somptueux palais Barberini à Rome, un secret jalousement gardé s’apprête à être révélé au grand jour. Pour la toute première fois, un tableau rarissime du Caravage, maître incontesté du clair-obscur, se dévoile aux yeux du public. Cette œuvre énigmatique, restée pendant des siècles dans l’ombre des collections privées, promet de lever le voile sur une facette méconnue de l’artiste tourmenté.
Le portrait mystérieux d’un futur pape
Le tableau en question n’est autre que le portrait de Maffeo Barberini, figure éminente de la noblesse romaine qui accédera plus tard au trône pontifical sous le nom d’Urbain VIII. Né en 1568 dans une famille patricienne, cet homme d’une grande érudition fut un mécène passionné des arts avant de devenir l’un des papes les plus influents de son temps.
Si l’on en croit les experts, ce portrait aurait été réalisé par Michelangelo Merisi, plus connu sous le nom de Caravage, qui a révolutionné la peinture baroque par son usage magistral des contrastes d’ombre et de lumière. Bien qu’aucun document n’atteste formellement de son attribution, l’œil affûté du critique d’art Roberto Longhi, spécialiste incontesté du Caravage, a authentifié le tableau dès 1963.
Un joyau de la collection Barberini
D’après une source proche du dossier, ce chef-d’œuvre oublié aurait appartenu pendant des générations à l’illustre famille Barberini, avant d’être cédé à un collectionneur privé dans les années 1930, lors de la dispersion d’une partie de leur patrimoine artistique.
C’est donc un petit événement que de voir cette toile d’exception prendre place, le temps d’une exposition, dans la fastueuse demeure historique des Barberini, aujourd’hui connue sous le nom de Galerie nationale d’art antique. Ce musée abrite déjà en permanence quatre autres trésors du Caravage :
- Judith décapitant Holopherne
- Narcisse
- Saint Jean-Baptiste
- Saint François
Un prêt exceptionnel et une avant-première mondiale
Le directeur de la Galerie, Thomas Clement Salomon, ne cache pas son enthousiasme face à ce prêt exceptionnel. Interrogé par l’AFP, il souligne à quel point il est rare de pouvoir montrer au public une œuvre d’une telle valeur, qui n’avait jusqu’alors jamais été exposée dans un musée :
Les portraits peints par Le Caravage se comptent sur les doigts d’une main, donc pouvoir en montrer un au public et aux experts est exceptionnel.
Thomas Clement Salomon, directeur de la Galerie nationale d’art antique
Au-delà de la rareté du tableau, c’est aussi le sujet qui fascine : Maffeo Barberini, futur pape Urbain VIII, était non seulement l’un des hommes les plus puissants de son époque, mais aussi un intellectuel raffiné et un grand mécène des arts et des lettres.
Un portrait qui sort des ténèbres
Le portrait frappe par son décor dépouillé et son coloris sobre, typiques du style du Caravage. Tout le génie du peintre s’exprime dans le jeu subtil des ombres et des lumières qui sculpte le visage et les mains du modèle.
Paola Nicita, historienne de l’art et conservatrice au palais Barberini, s’émerveille devant la modernité de cette composition centrée sur les gestes:
C’est une peinture qui s’exprime à travers les gestes. […] Ce geste merveilleux de la main droite tendue rappelle énormément le geste du Christ dans “La vocation de saint Mathieu”.
Paola Nicita, historienne de l’art et conservatrice au palais Barberini
La main gauche de Maffeo Barberini, crispée sur une lettre, et sa main droite jaillissant hors du tableau génèrent une tension dramatique presque palpable. Une écriture gestuelle puissante qui n’est pas sans évoquer celle d’un Courbet ou d’un Manet, et qui vient enrichir notre perception de l’art révolutionnaire du Caravage.
Un rendez-vous à ne pas manquer
Pour tous les passionnés d’art et d’histoire, cette exposition unique est un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte. C’est l’occasion rêvée de se plonger dans la Rome fastueuse du XVIIe siècle, de percer les mystères entourant ce portrait longtemps oublié et de se laisser envoûter par la magie du clair-obscur, marque de fabrique du Caravage.
“Caravage – Le portrait dévoilé” vous attend au palais Barberini, du 23 novembre au 23 février. Un face à face intense avec un chef-d’œuvre ressuscité qui promet de marquer durablement les esprits et d’apporter un éclairage nouveau sur l’un des peintres les plus énigmatiques de l’histoire de l’art. Laissez-vous tenter par ce voyage initiatique au cœur des ombres et des lumières !