En dépit des bouleversements politiques outre-Atlantique, les services de renseignement français et américains maintiendront leur étroite collaboration. C’est le message rassurant délivré par Nicolas Lerner, directeur général de la sécurité extérieure (DGSE), dans une récente interview accordée à l’hebdomadaire Le Point.
Une coopération à toute épreuve depuis la Seconde Guerre mondiale
Malgré l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et son administration atypique, le patron du renseignement extérieur français se veut confiant. Pour lui, les liens tissés entre la DGSE et ses homologues américains sont suffisamment solides pour résister aux soubresauts politiques :
Je ne peux pas imaginer qu’une inflexion politique vienne fragiliser une coopération bilatérale qui remonte à la Seconde guerre mondiale, que rien n’est jamais parvenu à abîmer ou affaiblir.
Nicolas Lerner, directeur général de la DGSE
Cette collaboration, qualifiée de “particulièrement intense” par Nicolas Lerner, s’est encore renforcée après les attentats du 11 septembre 2001. Face à la menace terroriste, Français et Américains ont resserré leurs liens pour mieux partager le renseignement.
Inquiétudes sur le devenir des théâtres d’opérations communs
Si la DGSE se montre sereine, certains s’interrogent néanmoins sur l’avenir de la coopération franco-américaine sur des dossiers sensibles comme la lutte contre Daech en Irak et en Syrie. Les velléités isolationnistes affichées par Donald Trump pendant sa campagne font craindre un retrait précipité des troupes US de la région.
Un scénario catastrophe que Nicolas Lerner se refuse toutefois d’envisager. “Personne n’a envie de voir ressurgir les phénomènes auxquels on a assisté entre 2012 et 2015 qui ont conduit aux drames que l’on connaît”, souligne-t-il, en référence aux attentats sanglants qui ont frappé la France en 2015.
Des discussions “actives” devraient donc s’engager rapidement entre Paris et Washington pour définir les modalités d’un engagement durable en Irak et en Syrie. L’objectif : empêcher une résurgence de la menace terroriste dans la région et par ricochet sur le sol européen.
Pas de renseignement européen intégré pour l’instant
Autre sujet abordé par le patron de la DGSE : la création d’un service de renseignement européen intégré. Une idée récemment remise au goût du jour mais qui ne convainc guère Nicolas Lerner :
L’idée revient régulièrement. Elle est selon moi fondée sur un constat erroné qui voudrait que la coopération entre services européens ne fonctionne pas, ce qui n’est pas vrai.
Nicolas Lerner, directeur général de la DGSE
Et le chef du renseignement extérieur français de rappeler une évidence : “l’activité de renseignement est indissociable de la souveraineté de chaque Etat”. Autant dire qu’une intégration européenne en la matière n’est pas pour demain.
Canaux toujours ouverts avec Moscou malgré les tensions
Signe de pragmatisme, Nicolas Lerner assume aussi une certaine coopération avec les services russes sur des sujets d’intérêt commun comme la lutte anti-terroriste. Et ce malgré un contexte diplomatique tendu autour de la guerre en Ukraine :
Lorsque les relations entre chefs d’Etat ou réseaux diplomatiques sont dégradées, la ligne des services de renseignement doit fonctionner en tout temps, à toute heure, en respectant les principes du secret et de la discrétion.
Nicolas Lerner, directeur général de la DGSE
Une manière de rappeler que face aux menaces transnationales, les services doivent parfois savoir dépasser les clivages politiques du moment. Un pragmatisme qui vaut aussi pour la relation franco-américaine, appelée à traverser les turbulences Trump sans dévier de son cap.
