Coup de tonnerre dans le monde de la grande distribution française. Eureca, la centrale d’achats internationale de Carrefour basée en Espagne, vient d’écoper d’une amende administrative record de 10,3 millions d’euros. Son tort : ne pas avoir respecté les délais légaux pour conclure les contrats annuels avec les fournisseurs agro-industriels du groupe. Un nouveau scandale qui ébranle le secteur et met en lumière les pratiques controversées des centrales d’achats, ces structures qui négocient les conditions d’achat pour le compte des grandes enseignes.
Une amende historique qui fait suite à d’autres sanctions
C’est la Direction régionale et interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d’Île-de-France qui a sévi. Motif : 12 manquements d’Eureca à son obligation de signer ses conventions avec les fournisseurs avant les 15 et 31 janvier 2024, comme l’exige le code de commerce. Un délai avancé par rapport aux années précédentes, le gouvernement espérant ainsi faire baisser plus rapidement les prix en rayons.
Cette sanction n’est pas isolée. Cet été, Eurelec, la centrale d’Intermarché partagée avec des groupes allemands et belgo-néerlandais, avait écopé d’une amende encore plus lourde de 38 millions d’euros pour des griefs similaires, concernant 62 fournisseurs. Des sanctions records qui montrent la volonté de l’État de serrer la vis aux dérives dans les négociations commerciales.
Le casse-tête des négociations annuelles
Chaque année, c’est le même marathon : entre octobre et mars, industriels et distributeurs se retrouvent pour négocier les tarifs et les conditions de vente des produits qui garniront les rayons. Des discussions tendues et opaques, qui déterminent les marges de chacun et les prix payés in fine par le consommateur. Face à la puissance d’achat des grandes enseignes, les fournisseurs, même de multinationales comme Danone ou Nestlé, peinent à obtenir des hausses de tarifs, au risque de tirer vers le bas les revenus des producteurs.
Des lois successives pour mieux encadrer
Pour tenter de rééquilibrer les rapports de force, les gouvernements ont multiplié ces dernières années les lois censées moraliser les négociations. Baptisées Egalim (États Généraux de l’Alimentation), ces législations fixent des garde-fous : seuils de revente à perte, encadrement des promotions, sanctions renforcées…. Avec un succès mitigé, les pratiques douteuses ayant la peau dure.
La DGCCRF est chargée de surveiller les négociations et de traquer les abus. Mais avec des moyens limités face à des acteurs retors.
Une source proche du dossier
La tentation de délocaliser les négociations
Pour échapper aux contraintes hexagonales, certains acteurs rusent en délocalisant leurs centrales d’achats hors de France. C’est le cas d’Eureca, domiciliée à Madrid, mais aussi d’Eurelec (Bruxelles) ou de Confex pour Système U (Genève). De quoi contourner la loi française tout en musclant leur pouvoir de négociation, arguent-ils. Un tour de passe-passe dénoncé par les industriels et certains élus, qui y voient une distorsion de concurrence inacceptable.
Un sujet explosif
Les négociations commerciales cristallisent les tensions entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Chacun accuse l’autre de grever ses marges et de générer l’inflation, dans une ambiance délétère amplifiée par la flambée des cours des matières premières. L’amende infligée à Eureca n’est qu’un épisode de plus dans cette saga à rebondissements, qui empoisonne le débat autour du pouvoir d’achat.
Des sanctions à systématiser ?
Pour certains observateurs, les amendes records sanctionnant les centrales étrangères vont dans le bon sens mais restent trop rares et aléatoires. Le Sénat notamment, appelle Bercy à systématiser les sanctions dès lors que les règles ne sont pas respectées. Histoire de créer un électrochoc et de forcer les acteurs à rentrer dans le rang. Pas sûr néanmoins que la menace suffise à pacifier des relations commerciales structurellement déséquilibrées et un rapport de force par nature conflictuel.
Une chose est sûre, les yeux seront rivés, dans les prochaines semaines, sur la bonne application des lois Egalim et sur la publication des nouveaux tarifs alimentaires par l’Insee. Avec l’espoir, peut-être illusoire, d’y trouver les signes tangibles d’une inversion de la courbe des prix. Et de relations enfin apaisées entre ces maillons essentiels de notre chaîne alimentaire.
Pour certains observateurs, les amendes records sanctionnant les centrales étrangères vont dans le bon sens mais restent trop rares et aléatoires. Le Sénat notamment, appelle Bercy à systématiser les sanctions dès lors que les règles ne sont pas respectées. Histoire de créer un électrochoc et de forcer les acteurs à rentrer dans le rang. Pas sûr néanmoins que la menace suffise à pacifier des relations commerciales structurellement déséquilibrées et un rapport de force par nature conflictuel.
Une chose est sûre, les yeux seront rivés, dans les prochaines semaines, sur la bonne application des lois Egalim et sur la publication des nouveaux tarifs alimentaires par l’Insee. Avec l’espoir, peut-être illusoire, d’y trouver les signes tangibles d’une inversion de la courbe des prix. Et de relations enfin apaisées entre ces maillons essentiels de notre chaîne alimentaire.