Le monde littéraire est en ébullition depuis que l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud, récent lauréat du prestigieux prix Goncourt pour son roman “Houris”, fait face à une vague de harcèlement judiciaire dans son pays natal, l’Algérie. Accusé d’avoir dévoilé sans consentement l’histoire d’une survivante d’un massacre survenu pendant la guerre civile des années 90, Daoud se retrouve dans la tourmente.
Une polémique qui enfle
Tout a commencé il y a une semaine, lorsque Saâda Arbane, rescapée d’un tragique événement, a publiquement reproché à Kamel Daoud et son épouse, la psychiatre qui l’avait prise en charge, d’avoir exploité son histoire dans “Houris”. Depuis, deux plaintes ont été déposées à Oran contre le couple, l’une par l’Organisation nationale des victimes du terrorisme, l’autre au nom de la victime elle-même.
Les plaintes visent Kamel Daoud et son épouse Aicha Dehdouh pour violation du secret médical et diffamation.
D’après une source proche du dossier
Escalade judiciaire
Lors d’une conférence de presse tenue ce jeudi, l’avocate de la plaignante, Fatiha Benbraham, a brandi un exemplaire de “Houris” devant une nuée de journalistes. Elle a martelé la volonté de sa cliente d’obtenir justice face à ce qu’elle considère comme une trahison de la part de l’écrivain et de sa femme psychiatre.
Le retentissement de cette affaire en Algérie est immense. Beaucoup y voient une tentative de museler la liberté d’expression et de créativité d’un auteur reconnu, dont les écrits dérangent souvent le pouvoir en place. Kamel Daoud, habitué des polémiques, se retrouve cette fois dans l’œil du cyclone judiciaire.
Un Goncourt qui divise
L’attribution du Goncourt à Kamel Daoud pour “Houris” avait déjà suscité des remous en Algérie. Si certains saluaient le génie littéraire de l’écrivain, d’autres le taxaient de “traître ayant vendu son âme à la France”. Son éditeur Gallimard s’était même vu interdire de participer au dernier Salon international du livre d’Alger.
Avec ce nouveau rebondissement judiciaire, la controverse autour de Daoud et de son œuvre ne fait que s’amplifier. Ses soutiens dénoncent une campagne de diffamation orchestrée, visant à le faire taire et à ternir son image. Ils appellent à la mobilisation pour défendre la liberté de création.
Quel avenir pour Daoud ?
Face à cette tempête médiatico-judiciaire, l’avenir de Kamel Daoud apparaît incertain. Va-t-il pouvoir continuer à écrire et à s’exprimer librement ? Ou devra-t-il se résoudre à davantage d’autocensure pour éviter de nouvelles poursuites ? Beaucoup craignent que ce harcèlement ne le pousse à l’exil, lui qui a toujours revendiqué son attachement à l’Algérie malgré les critiques.
Une chose est sûre : cette affaire est symptomatique des tensions qui traversent la société algérienne, écartelée entre conservatisme et soif de liberté. En s’attaquant à Kamel Daoud, c’est tout un pan de l’intelligentsia qui se sent visé. Ses détracteurs, eux, l’accusent d’avoir trahi la mémoire des victimes de la guerre civile.
Dans ce climat délétère, difficile de prévoir l’issue de ce bras de fer. Mais une certitude demeure : avec “Houris” et la polémique qu’il a déclenchée, Kamel Daoud a une nouvelle fois secoué la société algérienne et suscité un débat aussi passionné que crucial sur les limites de la liberté d’expression. Le Goncourt qu’il brandit fièrement apparaît à la fois comme une consécration et un fardeau. Celui de la célébrité, mais aussi de l’engagement, au risque de se brûler les ailes. L’avenir nous dira si Daoud parviendra à s’extirper de cette tempête pour continuer à faire entendre sa voix singulière.