C’est un duel présidentiel pour le moins atypique qui se joue actuellement en Uruguay. Au second tour ce dimanche, les électeurs devront choisir entre deux candidats aux parcours radicalement différents : Yamandu Orsi, professeur d’histoire représentant la gauche, et Alvaro Delgado, vétérinaire issu de la droite. Une confrontation inédite dans ce pays de 3,4 millions d’habitants coincé entre l’Argentine et le Brésil.
Yamandu Orsi, l’héritier de la gauche uruguayenne
À 57 ans, Yamandu Orsi incarne l’espoir d’un retour au pouvoir pour la coalition de gauche Frente Amplio, après trois mandats consécutifs entre 2005 et 2020. Issu d’un milieu modeste rural, il a grandi dans une maison sans électricité avant de décrocher un diplôme de professeur d’histoire en 1991. Un parcours qui n’est pas sans rappeler celui de l’icône de la gauche uruguayenne, l’ancien président José “Pepe” Mujica, dont Orsi est considéré comme l’héritier politique et spirituel.
Après avoir enseigné dans plusieurs lycées, Yamandu Orsi se lance en politique en 2005 comme secrétaire général de la commune de Canelones, dans la banlieue de Montevideo. Il en deviendra le maire en 2015, réélu en 2020. Une ascension progressive qui l’a mené à la candidature pour la présidentielle, qu’il a remportée haut la main lors des primaires de la gauche en juin dernier avec plus de 60% des voix.
Un style décontracté et proche du peuple
Fidèle à ses origines populaires, Orsi a conservé un style vestimentaire décontracté et une proximité avec les gens ordinaires. Enfant, il a tour à tour tenu l’épicerie familiale, été enfant de chœur et danseur folklorique. Mais derrière cette image simple se cache un homme qui se prépare “depuis longtemps” à la fonction suprême, même s’il a été avare en détails sur sa vision pour le pays durant la campagne.
Alvaro Delgado, le vétérinaire devenu bras droit du président
Face à lui, Alvaro Delgado, 55 ans, s’est imposé comme l’homme de confiance du président sortant de droite Luis Lacalle Pou. Propulsé secrétaire général de la présidence en 2020, ce vétérinaire de formation est devenu le visage du gouvernement pendant la pandémie de Covid-19, multipliant les interventions médiatiques.
Issu d’un milieu aisé de la capitale, Alvaro Delgado a suivi un parcours scolaire dans le privé catholique avant de décrocher son diplôme de vétérinaire. Il a exercé comme conseil auprès d’exploitations agricoles avant de se lancer en politique au sein du Parti National. Élu député en 2004 puis sénateur en 2014, il gravit les échelons jusqu’à devenir le bras droit et dauphin désigné du président Lacalle Pou.
Une campagne émaillée de petites polémiques
Durant la campagne, Alvaro Delgado a été moqué pour avoir qualifié sa colistière de “bonbon”, une “blague malheureuse” qu’il a reconnu ensuite. Un faux-pas révélateur d’un certain style provocateur qui tranche avec la sobriété un peu terne de son adversaire Orsi, souvent critiqué pour avoir évité les débats et les interviews.
Un second tour indécis
Au soir du premier tour le 27 octobre, Yamandu Orsi est arrivé largement en tête avec 43,9% des voix, contre 26,8% pour Alvaro Delgado. Mais le duel du second tour s’annonce beaucoup plus serré. Les électeurs devront choisir entre deux personnalités, deux parcours et deux visions qui incarnent les lignes de fracture de la société uruguayenne.
D’un côté, l’enseignant de gauche, héritier revendiqué de “Pepe” Mujica et de ses valeurs de sobriété et de proximité avec le peuple. De l’autre, le vétérinaire de droite, représentant des élites urbaines et du monde rural, proche du président sortant. Deux Uruguay qui se font face dans les urnes pour un scrutin qui pourrait être rich en enseignements au-delà des frontières de ce petit pays.