Deuxième jour du procès pour l’assassinat de Samuel Paty, et deuxième accusé à être entendu par la cour d’assises spéciale de Paris. Naïm Boudaoud, 22 ans, a nié jeudi toute responsabilité dans la mort de ce professeur d’histoire-géographie de Conflans-Sainte-Honorine, décapité en octobre 2020 par un jeune musulman radicalisé d’origine tchétchène. Un interrogatoire sous tension qui a vu l’accusé tenter de se dédouaner.
Un rejet catégorique de toute responsabilité
Interrogé directement par l’avocat général Nicolas Braconnay sur une éventuelle part de responsabilité dans ce drame, Naïm Boudaoud a répondu sans détour :
Je ne suis pas responsable car je n’étais pas au courant. Anzorov m’a pris pour un con et par sa faute, je me retrouve ici. Si j’avais su quoi que ce soit, j’aurais prévenu la police.
Naïm Boudaoud, accusé au procès de l’assassinat de Samuel Paty
Abdoullakh Anzorov, l’assassin de Samuel Paty, a été tué par la police peu après son acte atroce. Ce jeune Russe tchétchène de 18 ans, qui bénéficiait du statut de demandeur d’asile en France, fait l’objet de vives critiques de la part de Naïm Boudaoud :
Anzorov est un menteur, il m’a utilisé (…) Cette ordure s’est servi de moi.
Naïm Boudaoud
Mais plus l’interrogatoire s’est prolongé, plus l’accusé a semblé perdre ses moyens, cherchant ses mots et finissant par s’agacer.
Un rôle ambigu dans l’attentat
Pourtant, les faits reprochés à Naïm Boudaoud sont graves. Poursuivi pour complicité d’assassinat terroriste, il encourt ni plus ni moins que la réclusion criminelle à perpétuité. Avec son ami Azim Epsirkhanov, également jugé pour complicité, il avait aidé le tueur dans sa quête d’armes, notamment pour l’achat d’un couteau la veille du crime.
C’est aussi Naïm Boudaoud qui, sans Azim Epsirkhanov cette fois, avait convoyé Anzorov jusqu’aux abords du collège le jour de l’attentat. Mais il assure avoir été manipulé :
Anzorov m’a dit: “J’ai une embrouille à régler avec des noirs”.
Naïm Boudaoud
Une explication qui peine à convaincre, tant le mobile religieux d’Abdoullakh Anzorov était clair. Ce dernier n’avait d’ailleurs pas hésité à évoquer sans détour, devant des collégiens inconnus, son intention de s’en prendre au professeur d’histoire-géo. Alors comment a-t-il pu dissimuler son projet à ses deux amis les plus proches ?
Un mobile religieux dissimulé ?
Ni Azim Epsirkhanov, ni Naïm Boudaoud n’ont su répondre clairement à cette question cruciale. “On était entre jeunes. On parlait de choses banales”, a éludé ce dernier sans vraiment convaincre. Des réponses qui peinent à expliquer comment ces amis si proches ont pu ignorer les plans meurtriers du terroriste.
Car la cible d’Anzorov était loin d’être anodine. En montrant des caricatures de Mahomet à ses élèves lors d’un cours sur la liberté d’expression, Samuel Paty s’était attiré de violentes critiques de la part de certains parents d’élèves musulmans. Des critiques relayées sur les réseaux sociaux, qui avaient fini par arriver aux oreilles du jeune Tchétchène radicalisé.
Le mobile religieux de l’assassin ne fait donc guère de doute. Mais Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov assurent n’en avoir jamais entendu parler. Une version difficile à croire pour beaucoup, tant la communauté tchétchène est soudée en région parisienne.
Un procès sous haute tension
Au fil des questions, Naïm Boudaoud s’est de plus en plus agacé à la barre, peinant à justifier les incohérences de son récit. Un malaise palpable, qui en dit long sur la pression qui pèse sur les épaules des accusés de ce procès hors norme.
Car l’émotion suscitée par l’assassinat de Samuel Paty reste immense en France. Cinq ans après l’attentat contre Charlie Hebdo, ce nouveau crime au nom de l’islam a profondément choqué le pays. Les douze accusés, dont six jugés pour association de malfaiteurs terroriste, savent qu’ils risquent très gros dans ce procès.
D’autant que la justice entend faire preuve d’une sévérité exemplaire. L’enjeu est de taille : montrer que la France ne laisse rien passer dans sa lutte contre le terrorisme islamiste, et que même les complices seront lourdement condamnés. Un message de fermeté, dans un contexte où la menace terroriste reste élevée dans l’Hexagone.
Le procès de l’assassinat de Samuel Paty ne fait donc que commencer. Avec, au cœur des débats, cette question troublante : comment des proches d’Abdoullakh Anzorov ont-ils pu ignorer son funeste projet ? Pour Naïm Boudaoud comme pour les onze autres accusés, il s’agit désormais de convaincre les juges de leur non-culpabilité. Un défi immense, face au traumatisme causé par cet attentat dans la société française.