En ce jeudi 21 novembre, Fairouz, ultime légende vivante de la musique arabe, a soufflé ses 90 bougies. Un anniversaire teinté d’une amère nostalgie alors que son pays natal, le Liban, qu’elle a tant célébré dans ses chansons, est une fois de plus en proie à un conflit meurtrier opposant le Hezbollah à Israël.
Une voix qui transcende les divisions
Dans ce pays profondément divisé, Fairouz apparaît comme un rare symbole d’unité nationale. Les internautes ont fait vibrer la toile au son de ses mélodies intemporelles tandis que médias de tous bords lui rendaient un vibrant hommage, rappelant le pouvoir fédérateur de son art.
D’après une source proche, le président français Emmanuel Macron, lors d’une visite à Beyrouth en 2020, s’était rendu au domicile de la diva pour la décorer de la Légion d’honneur. Sur son compte Instagram, il a tenu à lui souhaiter un « bel anniversaire », saluant en elle « celle qui incarne l’âme de cette région avec dignité ».
Un parcours artistique hors norme
Née Nouhad Haddad en 1934 dans une modeste famille chrétienne du quartier de Zokak el-Blatt à Beyrouth, c’est le compositeur Halim al-Roumi qui lui donnera son nom de scène, impressionné par son talent lors de son passage à la radio. Sa rencontre avec Assi Rahbani, qui deviendra son époux, marque un tournant décisif.
Avec son frère Mansour, Assi révolutionnera la musique arabe traditionnelle en y insufflant des sonorités occidentales, russes et latino-américaines sur une orchestration moderne. C’est au Festival international de Baalbeck que la carrière de Fairouz prend véritablement son envol, avant de conquérir les scènes du monde entier.
Une icône intergénérationnelle
Adulée par les aînés, Fairouz deviendra aussi l’idole de la jeunesse lorsque son fils Ziad, enfant terrible de la scène libanaise, lui composera des titres aux accents jazzy. Avec sa voix cristalline, elle donnera vie aux textes des plus grands poètes arabes, de Gibrane à Chawki.
La voix de Fairouz est mon pays.
– Marcel Khalifé, compositeur libanais
Ses chants patriotiques comme « Bhebbak ya Lebnane » (Je t’aime, Ô Liban) resteront gravés dans la mémoire collective libanaise et arabe. Mais Fairouz a aussi été la voix de l’amour, de la liberté et de la Palestine.
Un crépuscule empreint de mélancolie
Après plus d’un demi-siècle de carrière qui l’a menée de Beyrouth à Las Vegas en passant par Paris et Londres, celle que l’on surnomme « l’Oiseau du Levant » a tiré sa révérence il y a plus de dix ans, ne se produisant plus en public.
Dans une interview au New York Times en 1999, elle confiait, désabusée : « Quand vous regardez le Liban aujourd’hui, vous voyez qu’il ne ressemble aucunement au Liban que je chante ». Un constat amer face aux guerres et destructions à répétition qui ont meurtri son pays.
En ce jour d’anniversaire, alors que les bombes pleuvent à nouveau près de ces ruines antiques de Baalbeck qui l’ont vue naître artistiquement, le destin de Fairouz semble indissociable de celui de son Liban natal. Mais si les conflits passent, son œuvre, elle, demeure intemporelle, incarnation de cette âme libanaise et arabe pétrie de résilience et d’espoir.