Dans les coulisses du pouvoir au Soudan du Sud, l’un des pays les plus pauvres de la planète, se cache un véritable empire commercial tissé dans l’ombre par l’entourage du président Salva Kiir. C’est la révélation choc d’un récent rapport publié par l’organisation américaine The Sentry, spécialisée dans la traque des flux financiers illicites.
Un réseau tentaculaire au cœur de l’économie sud-soudanaise
Selon les données compilées par The Sentry, pas moins de 126 entreprises seraient contrôlées par la famille Kiir, dans des secteurs stratégiques comme le pétrole, les mines, les banques ou la sécurité privée. Un véritable “Kiirdom” commercial, pour reprendre le titre évocateur du rapport.
Parmi les personnages clés de ce réseau figurent l’épouse du chef de l’État Mary Ayen Mayardit, au moins neuf de ses enfants et petits-enfants, ainsi que des membres de sa belle-famille. Étonnamment, le nom de Salva Kiir lui-même n’apparaît sur aucun document d’entreprise.
Une pratique en contradiction avec la constitution
Ce vaste empire soulève de sérieuses questions quant à d’éventuels conflits d’intérêts et pratiques illicites. En effet, la constitution transitoire du Soudan du Sud interdit formellement au président, à son adjoint, aux ministres et hauts fonctionnaires de mener des activités commerciales pendant l’exercice de leur mandat.
Les entreprises liées à la famille Kiir ont été identifiées à plusieurs reprises dans des scandales d’approvisionnement ayant entraîné la perte de milliards de dollars de fonds publics.
The Sentry
Face à ces accusations, le bureau du président crie au complot, fustigeant des allégations “sans fondement et malveillantes”. Selon un communiqué officiel, il ne s’agirait que d’une “chasse aux sorcières délibérée destinée à saper la Première famille et à déstabiliser l’unité de la nation”.
Corruption endémique et mauvaise gouvernance
Au-delà du cas Kiir, c’est tout le système politique sud-soudanais qui est pointé du doigt. La Commission des droits de l’homme de l’ONU dénonce un blocage du processus de transition démocratique, miné par la corruption et le manque de responsabilité des élites.
Malgré ses immenses ressources pétrolières, le pays peine à se développer et à répondre aux besoins fondamentaux de sa population. Les récentes enquêtes onusiennes révèlent que les revenus continuent d’être “gravement mal gérés au profit des élites politiques et de leurs réseaux clientélistes”.
L’avenir du pays en jeu
Pour The Sentry, une transparence accrue sur les activités des entreprises liées au pouvoir est indispensable, afin de s’assurer qu’elles ne servent pas à des fins illicites et ne drainent pas les maigres ressources publiques du pays.
La balle est désormais dans le camp des autorités sud-soudanaises. Sauront-elles faire la lumière sur les zones d’ombre de l’empire Kiir et engager de véritables réformes pour assainir la vie publique ? C’est tout l’enjeu des prochains mois, alors que le pays reste confronté à une pauvreté endémique et de graves défis sécuritaires et humanitaires. L’avenir du Soudan du Sud et de ses habitants en dépend.