Un scandale de corruption d’ampleur secoue actuellement les plus hautes sphères du pouvoir en Russie. Selon des sources proches de l’enquête, trois directeurs d’entreprises privées viennent d’écoper de lourdes peines de prison pour malversations dans le cadre d’un important contrat public passé avec l’armée russe.
Viatcheslav Choustov, Konstantin Savostianov et Sergueï Belov, qui dirigeaient les sociétés incriminées, ont été condamnés respectivement à 6, 9 et 6 ans de réclusion par un tribunal de Moscou. Les enquêteurs les ont reconnus coupables d’avoir détourné plus de 300 millions de roubles, soit environ 2,8 millions d’euros, entre 2018 et 2021.
Un stratagème bien rodé
Pour mettre en œuvre leur vaste escroquerie, les trois hommes auraient usé d’une combine assez classique mais redoutablement efficace dans les milieux de la corruption :
- Surestimation volontaire et massive des coûts
- Falsification des documents comptables et justificatifs
- Détournement des surplus ainsi générés vers des comptes offshore
Un mode opératoire malheureusement fréquent dans les contrats publics russes, et particulièrement dans le secteur de la défense, reconnu comme l’un des plus gangrenés par la corruption.
Purges en série au ministère de la Défense
Ces condamnations s’inscrivent dans une vague d’arrestations et de mises en examen qui touche l’appareil militaire russe depuis plusieurs mois. Pas moins de dix responsables de haut rang du ministère de la Défense, dont un ex-ministre adjoint, ainsi que plusieurs généraux, se retrouvent ainsi sous les verrous ou visés par des enquêtes.
Une purge d’une ampleur rarement vue, orchestrée dans le contexte très particulier du conflit en Ukraine, où l’armée russe se trouve fortement mobilisée depuis février 2022. Le Kremlin se refuse pourtant à parler de “campagne” anticorruption, évoquant des procédures isolées et classiques.
Un fléau endémique en Russie
Mais les observateurs s’accordent à y voir une tentative de reprise en main, alors que la corruption endémique qui mine le pays coûterait chaque année des dizaines de milliards d’euros aux finances publiques. Un mal profond et ancien, comme en témoignent les innombrables scandales impliquant la défense russe depuis des années.
Face à l’échec des réformes successives, beaucoup doutent cependant de la capacité ou de la volonté réelle du pouvoir à s’attaquer au problème. Certains y voient même un outil de contrôle politique pour le Kremlin, qui instrumentaliserait la lutte anticorruption pour mieux faire pression sur ses adversaires et asseoir son autorité.
En Russie, la corruption est un système, pas un bug. C’est le ciment du régime, pas sa faille.
— Un diplomate occidental en poste à Moscou
Une réalité crue qui en dit long sur l’état de déliquescence avancée d’un pays rongé par les malversations à tous les étages. Et dont le sommet de l’État, loin d’être épargné, semble au contraire en avoir fait l’essence même de son mode de gouvernement.