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L’écrivain Kamel Daoud accusé de violer l’intimité d’une victime

L'écrivain Kamel Daoud, primé du Goncourt, au cœur d'une controverse. Accusé d'avoir utilisé l'histoire d'une survivante du terrorisme sans son accord pour son roman. Les réactions s'enflamment en Algérie...

Une vive polémique secoue actuellement le monde littéraire algérien. Kamel Daoud, l’écrivain franco-algérien récompensé du Prix Goncourt 2024 pour son roman “Houris”, ainsi que son épouse psychiatre, font face à de graves accusations. Ils sont soupçonnés d’avoir utilisé sans consentement l’histoire d’une patiente, Saâda Arbane, survivante d’un massacre pendant la décennie noire algérienne, pour l’écriture du roman primé.

Deux plaintes déposées contre l’écrivain et son épouse

D’après l’avocate Fatima Benbraham, deux plaintes ont été déposées à Oran, lieu de résidence du couple en Algérie, dès la parution du livre en août dernier. Une au nom de l’Organisation nationale des victimes du terrorisme, l’autre au nom de la victime elle-même, Saâda Arbane.

Les chefs d’accusation sont lourds : violation du secret médical, l’épouse de Daoud étant soupçonnée d’avoir transmis le dossier de sa patiente à son mari, mais aussi diffamation des victimes du terrorisme et violation de la loi sur la réconciliation nationale, qui interdit toute publication sur les années de guerre civile.

Saâda Arbane affirme avoir reconnu son histoire

Lors d’une apparition télévisée, Mme Arbane a affirmé avoir reconnu de nombreux éléments de sa vie dans le roman “Houris” : sa canule pour respirer et parler, ses cicatrices, son salon de coiffure… Ainsi que des informations très personnelles confiées lors d’une thérapie en 2015 à la psychiatre, épouse de Kamel Daoud.

C’est une violation de mon intimité

La survivante affirme même que trois ans plus tôt, invitée chez le couple Daoud, l’écrivain lui aurait demandé l’autorisation de raconter son histoire dans un roman, ce qu’elle aurait refusé.

L’éditeur Gallimard dément, parle de “campagnes diffamatoires”

Face à ces accusations, Kamel Daoud reste silencieux. Mais son éditeur français Gallimard a pris sa défense, dénonçant de “violentes campagnes diffamatoires orchestrées par certains médias proches d’un régime dont nul n’ignore la nature”. Gallimard affirme que si le roman s’inspire de faits réels, “son intrigue, ses personnages et son héroïne sont purement fictionnels”.

En Algérie, la polémique creuse le fossé avec l’écrivain

Si en France, Kamel Daoud est encensé, en Algérie, beaucoup le perçoivent comme un traître à la cause palestinienne et considèrent son Goncourt comme une récompense politique. Sur les réseaux sociaux, de nombreux Algériens expriment leur “solidarité” envers “la victime” Saâda Arbane.

Dans cette affaire, la première victime du terrorisme, celle qui devrait avoir notre solidarité, c’est Saâda, seule rescapée d’un massacre

Des militantes féministes s’inquiètent aussi des répercussions de cette affaire, qui “risque de briser la confiance déjà fragile entre les femmes et les professionnels de santé” et de porter préjudice aux progrès en termes de suivi psychologique des victimes de violences.

Cette controverse met en lumière les questions délicates de l’utilisation de récits de vie réels dans la fiction, du respect de la vie privée des patients, et du devoir éthique des écrivains et des professionnels de santé. Elle illustre aussi les tensions persistantes en Algérie autour des blessures non refermées de la décennie noire.

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