C’est un vent de colère qui souffle sur le monde agricole dans le Sud-Ouest. Mercredi, la Coordination rurale, syndicat très implanté dans la région, a mené des actions coup de poing contre la grande distribution et le port de Bordeaux. Leur grief ? Des “marges abusives” pratiquées par les enseignes au détriment des producteurs et l’importation de produits ne respectant pas les mêmes normes.
Des grandes surfaces dans le viseur
Dès le matin, les militants de la Coordination rurale ont bloqué les accès de plusieurs centrales d’achat de grandes enseignes comme Leclerc ou Intermarché dans différents départements. Sur place, un constat : alors que des producteurs locaux sont à proximité, les camions livrant les magasins viennent de l’étranger. “Il y a encore un camion lituanien qui vient de passer”, s’insurge un jeune éleveur.
Aujourd’hui, le consommateur est volé et nous aussi, ces marges abusives de la grande distribution, ça suffit!
José Pérez, coprésident de la CR47
Selon les responsables syndicaux, le déséquilibre dans le partage de la valeur est criant. Alors que les prix en rayons flambent, les cours payés aux agriculteurs, eux, stagnent voire baissent. Un paradoxe intenable pour beaucoup d’exploitations déjà fragilisées par les aléas climatiques et la flambée de leurs charges.
Le port de Bordeaux paralysé
La journée de mobilisation s’est terminée par un coup d’éclat au port de Bordeaux. En soirée, un imposant convoi de tracteurs a déversé quantité de pneus et déchets sur les accès de cet important site d’échanges commerciaux. Objectif affiché : paralyser totalement le trafic pour dénoncer les importations de céréales hors normes européennes.
C’est par ces ports qu’arrivent des produits qui n’ont pas les mêmes contraintes que nous et viennent casser nos prix. On veut mettre le holà !
Karine Duc, responsable Coordination rurale
Une action spectaculaire qui illustre le ras-le-bol grandissant du monde agricole face à ce qu’il estime être une concurrence déloyale. Soumis à des réglementations toujours plus strictes, beaucoup d’agriculteurs français ont le sentiment de “jouer avec des dés pipés” face aux produits importés à bas coût.
La partie émergée de la crise agricole
Plus qu’un simple coup de sang, ces actions traduisent le profond malaise qui ronge la paysannerie française. Entre flambée des coûts de production, volatilité des cours mondiaux et pression sociétale croissante, nombreux sont ceux qui se sentent acculés. Un sentiment encore renforcé par les récents accords commerciaux internationaux comme celui avec le Mercosur.
Face à cela, beaucoup attendent des actes forts de la part du gouvernement pour enrayer la spirale. Revalorisation des prix, régulation des marges, mise en place de clauses « miroirs » sur les importations : les pistes ne manquent pas. Mais après les promesses de l’hiver dernier lors des précédentes mobilisations, la confiance s’est érodée.
Le compte n’y est pas, le gouvernement doit prendre ses responsabilités pour assurer notre souveraineté alimentaire et la survie de nos exploitations !
Un responsable syndical
Après ce coup de semonce, tous les yeux sont désormais rivés vers les ministères de l’Agriculture et de l’Économie. Les syndicats attendent des “mesures d’urgence” et un vrai plan de sauvetage des filières en souffrance. Faute de quoi, de nouvelles actions pourraient rapidement s’enclencher, avec le risque cette fois d’un embrasement bien plus large du monde agricole. L’exécutif parviendra-t-il à éteindre la colère qui gronde ? Réponse dans les prochaines semaines.