Depuis plusieurs jours, un vent de colère souffle sur le monde agricole français. Dans tout le pays, les agriculteurs multiplient les actions coup de poing pour exprimer leur ras-le-bol face à une situation économique de plus en plus difficile. Blocages, opérations escargot, déversements de fumier : leur exaspération se manifeste sous différentes formes. Mais quelles sont les raisons profondes de cette grogne ?
Un coût de production plus élevé en France
Selon Dominique Chargé, président de la Coopération Agricole, produire en France coûterait 20% plus cher que dans le reste de l’Europe. Les charges, les taxes et les normes imposées aux agriculteurs français alourdissent considérablement leurs coûts de production par rapport à leurs voisins européens. Une distorsion de concurrence qui met en péril la compétitivité des exploitations.
De plus, les normes de production seraient supérieures en France, notamment par rapport aux pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay), avec lesquels l’Union Européenne est en passe de conclure un accord de libre-échange très controversé.
L’accord du Mercosur, la goutte d’eau
Cet accord commercial, en négociation depuis plus de 20 ans, prévoit d’ouvrir plus largement les marchés européens aux produits sud-américains, notamment la viande bovine. Jusqu’à 99 000 tonnes pourraient être importées à droit de douane réduit. Une menace directe pour la filière bovine française, déjà fragilisée.
Ce n’est pas parce que ça ne représente pas beaucoup que c’est un bon accord
Dominique Chargé, président de la Coopération Agricole
Pour les agriculteurs, cet accord est vécu comme une concurrence déloyale. Ils dénoncent le double standard qui permettrait l’importation de produits ne respectant pas les mêmes règles sanitaires et environnementales qu’en Europe. Un sentiment d’injustice exacerbé par les récentes négociations sur le budget européen, qui prévoient une baisse des aides de la PAC.
Des revendications multiples
Au-delà de l’accord du Mercosur, le malaise est profond dans le monde agricole. Les revenus stagnent, les exploitations peinent à se maintenir, la pression sociétale s’accroît. Les agriculteurs réclament :
- Des prix rémunérateurs pour leurs productions
- Une meilleure répartition de la valeur
- Un allègement des contraintes réglementaires
- La reconnaissance de leur rôle nourricier et environnemental
Autant de sujets sur lesquels ils attendent des réponses claires du gouvernement. Des promesses avaient été faites suite au mouvement des Gilets Jaunes, mais beaucoup restent lettre morte selon les syndicats agricoles.
Un mouvement qui risque de s’amplifier
Malgré une première victoire avec l’annonce d’un vote à l’Assemblée sur l’accord du Mercosur, la mobilisation ne faiblit pas. Des blocages sont encore en cours, notamment à la frontière espagnole. Et de nouvelles actions sont prévues ces prochains jours.
La dissolution de l’Assemblée Nationale par Emmanuel Macron ajoute de l’incertitude et retarde les négociations selon Dominique Chargé. La tension risque donc de monter d’un cran dans un contexte social déjà inflammable, entre réforme des retraites et grèves à répétition.
Le but n’est pas d’emmerder les Français
Un porte-parole agricole
Mais pour les agriculteurs, il y a urgence. Leurs revendications, portées depuis des mois, nécessitent des réponses rapides et concrètes. Faute de quoi, le torchon risque de continuer à brûler entre le gouvernement et le monde paysan. Un bras de fer crucial pour l’avenir d’une profession en souffrance et d’une souveraineté alimentaire de plus en plus menacée.