Alors que le président chinois Xi Jinping est reçu par son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva à Brasilia ce mercredi, les projecteurs sont braqués sur la relation sino-brésilienne. Loin d’être anodine, cette rencontre au sommet témoigne de la montée en puissance de ce partenariat stratégique entre les deux poids lourds du Sud global. Retour sur les 5 éléments clés qui définissent cette relation pragmatique et son impact potentiel sur l’échiquier géopolitique mondial.
Une convergence géopolitique renforcée
Premier fait marquant, la Chine et le Brésil, respectivement deuxième et septième pays les plus peuplés au monde, pèsent toujours plus lourd sur la scène internationale. Selon Marcos Caramuru, ancien ambassadeur du Brésil à Pékin, si cette relation est “totalement pragmatique”, les convergences géopolitiques sont plus évidentes depuis le retour au pouvoir en janvier 2023 du président brésilien de gauche Lula.
Les deux pays sont des acteurs majeurs des Brics, ce bloc émergent qui ambitionne de jouer les premiers rôles. “Plus ses tensions avec les États-Unis et l’Europe augmentent, plus Pékin se concentre sur le Sud global, où le Brésil joue un rôle central”, analyse Jorge Heine, ex-ambassadeur du Chili en Chine et chercheur à l’Université de Boston.
Sur le dossier brûlant du conflit en Ukraine, Pékin et Brasilia ont même tenté une médiation entre Kiev et Moscou, sans succès pour l’heure. Une démarche qui illustre leur volonté d’agir en contrepoids des puissances occidentales sur les grandes questions internationales.
Un commerce florissant mais déséquilibré
Deuxième élément clé, les échanges commerciaux. Si la Chine est le premier partenaire commercial du Brésil, qui est son premier fournisseur de biens agricoles, la réciproque n’est pas vraie. Le pays sud-américain n’est que le neuvième partenaire de l’empire du Milieu.
Même si le Brésil est l’un des rares pays en excédent commercial avec la Chine, ses exportations sont “extrêmement concentrées” au niveau des matières premières, selon l’Agence brésilienne de promotion des exportations et investissements (Apex). À l’inverse, les exportations chinoises vers le Brésil sont bien plus diversifiées, avec notamment un grand nombre de produits “à haut degré de sophistication technologique et valeur ajoutée”.
Pour Margaret Myers, directrice du groupe de réflexion Dialogue interaméricain pour l’Asie et l’Amérique latine, “pour remédier à ce déséquilibre, la Chine devrait respecter son engagement de soutenir la réindustrialisation du Brésil”. Mais tous ne partagent pas cet avis. Rodrigo Zeidan, économiste de la New York University Shanghai, estime que “l’idée selon laquelle on ne peut connaître la croissance qu’en exportant des biens manufacturés est une vision des années 70”. Il cite en exemple “des pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, qui se sont fortement enrichis en vendant des matières premières à la Chine”.
La carte des véhicules électriques
Troisième fait notable, les investissements chinois dans l’industrie brésilienne, notamment pour la fabrication de véhicules électriques. Great Wall Motors et BYD, deux géants du secteur, ont récemment annoncé des investissements totalisant 2,5 milliards de dollars au Brésil.
Jorge Heine y voit “un potentiel considérable” au vu des réserves sud-américaines de cuivre et de lithium, “deux minéraux cruciaux pour les batteries”. “La Chine étant le leader mondial de la production de véhicules électriques, c’est une complémentarité naturelle”, ajoute-t-il.
L’ombre de Trump
Quatrième élément à prendre en compte dans l’équation, le facteur Trump. Selon Margaret Myers, une réélection de l’ex-président isolationniste “pourrait se traduire par une perte de soft power des États-Unis en Amérique latine” et resserrer mécaniquement les liens entre la Chine et les pays de la région.
Mais Trump ou non, le président Lula envisage sa relation avec Pékin de façon très pragmatique. “Ne croyez pas qu’en parlant avec la Chine je veux me brouiller avec les États-Unis. Au contraire, je veux les deux de notre côté”, expliquait-il il y a plusieurs mois.
L’enjeu des “Nouvelles routes de la soie”
Enfin, dernier point d’attention, une éventuelle adhésion du Brésil aux “Nouvelles routes de la soie”, cet ambitieux projet d’infrastructures mondiales conçu par la Chine. Plusieurs pays sud-américains comme le Pérou ont déjà rejoint cette initiative, pilier de la stratégie du président Xi pour accroître l’influence de son pays dans le monde.
Mais Celso Amorim, conseiller spécial de Lula pour les affaires internationales, a douché les attentes chinoises en déclarant que les négociations ne visaient pas à “signer en bas d’un document, comme un contrat d’assurance”, mais à trouver des “synergies”. Preuve que malgré une volonté commune d’approfondir leur partenariat, Chine et Brésil devront encore surmonter quelques divergences.
Une chose est sûre, l’évolution de cette relation sino-brésilienne sera scrutée de près, tant elle pourrait contribuer à redessiner les équilibres géopolitiques et économiques mondiaux dans les années à venir. Alors, simple partenariat pragmatique ou véritable alliance stratégique ? L’avenir nous le dira.
Sur le dossier brûlant du conflit en Ukraine, Pékin et Brasilia ont même tenté une médiation entre Kiev et Moscou, sans succès pour l’heure. Une démarche qui illustre leur volonté d’agir en contrepoids des puissances occidentales sur les grandes questions internationales.
Un commerce florissant mais déséquilibré
Deuxième élément clé, les échanges commerciaux. Si la Chine est le premier partenaire commercial du Brésil, qui est son premier fournisseur de biens agricoles, la réciproque n’est pas vraie. Le pays sud-américain n’est que le neuvième partenaire de l’empire du Milieu.
Même si le Brésil est l’un des rares pays en excédent commercial avec la Chine, ses exportations sont “extrêmement concentrées” au niveau des matières premières, selon l’Agence brésilienne de promotion des exportations et investissements (Apex). À l’inverse, les exportations chinoises vers le Brésil sont bien plus diversifiées, avec notamment un grand nombre de produits “à haut degré de sophistication technologique et valeur ajoutée”.
Pour Margaret Myers, directrice du groupe de réflexion Dialogue interaméricain pour l’Asie et l’Amérique latine, “pour remédier à ce déséquilibre, la Chine devrait respecter son engagement de soutenir la réindustrialisation du Brésil”. Mais tous ne partagent pas cet avis. Rodrigo Zeidan, économiste de la New York University Shanghai, estime que “l’idée selon laquelle on ne peut connaître la croissance qu’en exportant des biens manufacturés est une vision des années 70”. Il cite en exemple “des pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, qui se sont fortement enrichis en vendant des matières premières à la Chine”.
La carte des véhicules électriques
Troisième fait notable, les investissements chinois dans l’industrie brésilienne, notamment pour la fabrication de véhicules électriques. Great Wall Motors et BYD, deux géants du secteur, ont récemment annoncé des investissements totalisant 2,5 milliards de dollars au Brésil.
Jorge Heine y voit “un potentiel considérable” au vu des réserves sud-américaines de cuivre et de lithium, “deux minéraux cruciaux pour les batteries”. “La Chine étant le leader mondial de la production de véhicules électriques, c’est une complémentarité naturelle”, ajoute-t-il.
L’ombre de Trump
Quatrième élément à prendre en compte dans l’équation, le facteur Trump. Selon Margaret Myers, une réélection de l’ex-président isolationniste “pourrait se traduire par une perte de soft power des États-Unis en Amérique latine” et resserrer mécaniquement les liens entre la Chine et les pays de la région.
Mais Trump ou non, le président Lula envisage sa relation avec Pékin de façon très pragmatique. “Ne croyez pas qu’en parlant avec la Chine je veux me brouiller avec les États-Unis. Au contraire, je veux les deux de notre côté”, expliquait-il il y a plusieurs mois.
L’enjeu des “Nouvelles routes de la soie”
Enfin, dernier point d’attention, une éventuelle adhésion du Brésil aux “Nouvelles routes de la soie”, cet ambitieux projet d’infrastructures mondiales conçu par la Chine. Plusieurs pays sud-américains comme le Pérou ont déjà rejoint cette initiative, pilier de la stratégie du président Xi pour accroître l’influence de son pays dans le monde.
Mais Celso Amorim, conseiller spécial de Lula pour les affaires internationales, a douché les attentes chinoises en déclarant que les négociations ne visaient pas à “signer en bas d’un document, comme un contrat d’assurance”, mais à trouver des “synergies”. Preuve que malgré une volonté commune d’approfondir leur partenariat, Chine et Brésil devront encore surmonter quelques divergences.
Une chose est sûre, l’évolution de cette relation sino-brésilienne sera scrutée de près, tant elle pourrait contribuer à redessiner les équilibres géopolitiques et économiques mondiaux dans les années à venir. Alors, simple partenariat pragmatique ou véritable alliance stratégique ? L’avenir nous le dira.