C’est un drame qui se joue actuellement dans le prétoire de la cour d’assises spéciale de Paris. Un fils accusé de complicité d’un attentat terroriste qui a coûté la vie à l’enseignant Samuel Paty en octobre 2020. Et sa mère, Fouzia, formatrice aux valeurs de la République et de la laïcité, assise sur le banc des parties civiles, confrontée à l’impensable : voir son enfant risquer la perpétuité pour un crime aussi odieux qu’incompréhensible.
Comment en est-on arrivé là ? C’est tout l’enjeu de ce procès hors-norme qui s’est ouvert le 17 novembre et doit durer 5 semaines. Sur le banc des accusés, 14 personnes soupçonnées à des degrés divers d’avoir apporté une aide logistique ou intellectuelle à l’assassin de Samuel Paty, le réfugié tchétchène Abdoullakh Anzorov, tué par la police peu après les faits.
Un itinéraire de radicalisation fulgurant
Parmi eux, le fils de Fouzia, 18 ans à peine au moment des faits. Un jeune homme décrit comme discret, sans histoire, scolarisé dans un lycée de la région parisienne. Mais qui aurait basculé en quelques mois dans une radicalisation express, fasciné par les discours jihadistes et la propagande de Daech découverts sur les réseaux sociaux.
D’après l’enquête, il aurait été en contact régulier avec Anzorov dans les jours précédant l’attaque, échangeant avec lui sur la polémique créée par un cours de Samuel Paty sur la liberté d’expression, au cours duquel il avait montré des caricatures de Mahomet. Le jeune homme aurait également participé à des discussions enflammées sur les réseaux sociaux appelant à venger le prophète et punir l’enseignant pour ce “blasphème”.
Une mère aveugle aux signaux d’alerte
De son côté, la mère assure n’avoir rien vu venir. Trop occupée par son travail de formatrice, par ses ateliers sur la citoyenneté et la lutte contre les préjugés qu’elle anime dans les écoles et les centres sociaux, elle reconnaît avoir été aveugle aux signaux de la dérive de son fils.
Je n’ai rien vu, rien compris. J’ai failli à ma mission de mère. Je m’en voudrai toute ma vie.
Fouzia, mère de l’accusé
A la barre, elle a livré un témoignage poignant, entre culpabilité et incompréhension. Comment son garçon a-t-il pu adhérer à une idéologie qu’elle combat au quotidien dans son travail ? Pourquoi n’a-t-elle pas su déceler les premiers signes de sa radicalisation ? Des questions qui la hantent et resteront sans doute à jamais sans réponse.
Un procès pour comprendre les mécanismes de la haine
Au-delà du drame familial, c’est toute la mécanique de la haine et de l’embrigadement qui est disséquée lors de ce procès. Comment des jeunes gens ordinaires peuvent basculer en un temps record dans le terrorisme le plus sanglant. Comment les réseaux sociaux peuvent servir de caisse de résonance à la propagande jihadiste et attiser les pulsions meurtrières.
Les débats, prévus pour durer jusqu’à la mi-décembre, promettent d’être riches en enseignements sur ces phénomènes de radicalisation express. Et pourraient peut-être permettre de dégager de nouvelles pistes pour renforcer la prévention auprès des jeunes et des familles.
En attendant, c’est le destin tragique d’une mère et de son fils qui se joue. Un face à face déchirant entre une femme engagée dans la défense des valeurs républicaines et un enfant qui a trahi tout ce en quoi elle croyait. Un drame intime qui résonne comme un terrible avertissement pour notre société.