C’est avec une vive émotion que la République Démocratique du Congo a appris l’acte de vandalisme perpétré lundi dernier au mausolée de son héros national Patrice Lumumba à Kinshasa. Ce lieu de mémoire abritant la dent de l’ancien Premier ministre, considérée comme une précieuse relique, a été profané selon le ministère de la Culture qui a vivement condamné cet “acte odieux visant à désacraliser la sépulture”.
Une enquête pour élucider le mystère
Si les circonstances exactes de cette atteinte à ce symbole national restent encore floues, la question qui brûle toutes les lèvres est de savoir si la dent de Patrice Lumumba a été dérobée. Jointe par téléphone, la ministre de la Culture Yolande Elebe est restée évasive à ce sujet, indiquant seulement qu’une enquête est en cours et qu’il faudra attendre les résultats de la police pour en savoir plus.
Cette relique hautement symbolique avait été restituée par la Belgique en 2022 lors d’une cérémonie officielle menée en grande pompe en présence du président Félix Tshisekedi. Seul vestige du corps de Lumumba dissous dans l’acide après son assassinat en 1961, la dent avait été placée sous haute surveillance dans cet imposant mausolée en béton situé au pied de la tour de l’Échangeur, un des monuments phares de la capitale congolaise.
Patrice Lumumba, martyr de l’indépendance
Le destin tragique de Patrice Lumumba, assassiné il y a 63 ans, est indissociable de l’histoire de l’indépendance du Congo. Figure emblématique et chef du premier gouvernement du pays, il était entré dans la légende le 30 juin 1960, jour de la proclamation de l’indépendance de l’ex-Congo belge, en prononçant un discours enflammé et sans concession contre le racisme et l’oppression des colons.
“Nous ne sommes plus vos macaques !”
– Patrice Lumumba, 30 juin 1960
Mais dès septembre 1960, Lumumba est renversé puis exécuté en janvier 1961 avec deux de ses frères d’armes, Maurice Mpolo et Joseph Okito, par des séparatistes de la région du Katanga avec l’appui de mercenaires belges. Il n’avait que 35 ans. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Le long combat pour la vérité
Il a fallu des décennies pour que la vérité éclate sur les circonstances de la mort de Lumumba et le sort réservé à sa dépouille. C’est seulement quand un ancien policier belge ayant participé à la disparition du corps s’en est vanté dans les médias qu’on a appris qu’il détenait une dent du leader congolais. La justice belge l’a finalement saisie en 2016.
Lors de la restitution de cette dent aux autorités congolaises en 2022, le Premier ministre belge Alexander De Croo avait renouvelé les excuses de la Belgique pour sa responsabilité morale dans ce crime. Un geste fort mais bien tardif, plus de 60 ans après les faits.
Préserver la mémoire de Lumumba
Au-delà de l’enquête sur le vandalisme du mausolée, cet événement remet en lumière l’importance de préserver et honorer la mémoire de Patrice Lumumba. Héros de l’indépendance, martyr de la cause anticoloniale, il incarne la lutte contre l’oppression et pour la dignité des peuples africains.
La profanation de son lieu de mémoire apparaît ainsi comme une offense au combat qu’il a mené et au sacrifice de sa vie. Elle souligne la nécessité de continuer à transmettre son héritage aux jeunes générations et de lutter contre toutes les formes de négationnisme ou de révisionnisme historique autour de cette figure fondatrice de la nation congolaise.
Espérons que ce triste événement permette au moins de raviver la flamme de l’engagement et des idées portées par Patrice Lumumba. Et que son mausolée, restauré et mis en valeur, demeure ce lieu de recueillement et de mémoire qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.