Nouveau rebondissement dans le feuilleton de la ratification du controversé accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (Ceta). Après le rejet surprise du texte au Sénat en mars dernier, c’est au tour de l’Assemblée nationale d’être le théâtre d’une bataille politique autour de ce traité qui cristallise les oppositions. Les députés de gauche comme de droite entendent bien infliger un camouflet symbolique au gouvernement en rejetant la ratification. Un vote qui risque de faire trembler l’exécutif.
Les enjeux du vote sur le Ceta à l’Assemblée
Le Ceta, qui supprime la quasi-totalité des droits de douane entre l’UE et le Canada, est décrié par ses opposants comme une menace pour l’agriculture française, les normes sanitaires et environnementales ou encore la souveraineté juridique des États. Ses partisans y voient au contraire une opportunité pour stimuler la croissance et les échanges commerciaux.
Si l’accord est déjà appliqué de manière provisoire depuis 2017, il doit encore être ratifié par les parlements nationaux pour entrer pleinement en vigueur. Un processus semé d’embûches comme l’a montré le vote négatif des sénateurs français, pourtant réputés plus favorables au libre-échange que les députés.
Un texte sans valeur contraignante mais haute en symbole
Pour contourner un nouveau revers cinglant, le gouvernement a décidé de ne pas soumettre le projet de loi de ratification à l’Assemblée nationale. A la place, les députés examineront ce jeudi une simple “proposition de résolution” déposée par les communistes. Ce texte invite l’exécutif à poursuivre le processus de ratification mais n’a pas de valeur contraignante.
Malgré son caractère symbolique, le vote s’annonce serré et scruté de près. La majorité présidentielle étant relative à l’Assemblée, elle pourrait être mise en minorité si les oppositions de gauche, de droite et du centre joignent leurs voix. Un tel scénario serait vécu comme un désaveu cinglant pour le gouvernement sur ce dossier sensible.
Ce vote est l’occasion de réaffirmer la souveraineté du Parlement sur ces enjeux cruciaux de libre-échange et de démocratie.
André Chassaigne, président du groupe communiste à l’Assemblée
Une épreuve de force politique
Au-delà des clivages partisans, la ratification du Ceta est devenue le symbole d’un débat de société sur la mondialisation, le pouvoir des multinationales face aux États ou encore le respect des engagements climatiques. Autant de sujets qui divisent fortement l’opinion et la classe politique.
Pour les opposants au traité, ce vote est l’occasion de marquer les esprits et d’envoyer un message fort au gouvernement. Même si le rejet n’empêchera pas l’application provisoire du Ceta, il sera perçu comme une victoire politique et un encouragement à poursuivre la mobilisation. Les partisans de l’accord espèrent eux démontrer que le texte conserve un soutien majoritaire malgré la contestation.
Vers une remise en cause plus globale des traités de libre-échange ?
Au-delà de son impact immédiat, l’issue du vote pourrait peser sur l’avenir de la politique commerciale européenne. Un rejet cinglant dans un pays fondateur comme la France serait un signal fort de défiance envers les traités de nouvelle génération comme le Ceta, perçus comme trop favorables aux intérêts privés au détriment du bien commun.
De quoi encourager les mouvements anti-Ceta ailleurs en Europe et compliquer encore la pleine entrée en vigueur de l’accord. De quoi aussi renforcer les appels à une refonte de la politique commerciale de l’UE pour mieux prendre en compte les préoccupations sociales, sanitaires et environnementales. Le vote de ce jeudi à l’Assemblée s’annonce donc comme un moment charnière dans la controverse sur le Ceta et plus largement sur le libre-échange à l’heure des grands défis du 21ème siècle.