Le chancelier allemand Olaf Scholz se retrouve au coeur d’une vive polémique après sa conversation téléphonique d’une heure avec Vladimir Poutine vendredi dernier, la première entre les deux hommes depuis près de deux ans. Si le chef du gouvernement affirme avoir voulu réaffirmer le soutien inébranlable de l’Allemagne à l’Ukraine, nombreux sont ceux qui y voient surtout une manoeuvre électorale à hauts risques à l’approche de scrutins anticipés périlleux pour son parti.
Un appel qui passe mal à Kiev comme à Varsovie
L’initiative d’Olaf Scholz a provoqué l’ire du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui lui a reproché d’avoir ouvert la “boîte de Pandore”. Le Premier ministre polonais lui a emboîté le pas, estimant que la diplomatie par téléphone ne pouvait se substituer à un authentique soutien occidental à l’Ukraine, surtout au lendemain d’une des plus importantes attaques russes depuis le début de l’invasion.
L’opposition allemande crie à la “propagande” de Moscou
En Allemagne, les conservateurs de la CDU ont accusé le chancelier d’avoir fait le jeu de la “propagande” du Kremlin. D’après eux, Olaf Scholz cherchait avant tout à se présenter, aux yeux de l’opinion publique allemande, comme “celui qui mise sur les négociations et le dialogue”, alors même qu’il méconnaîtrait les véritables objectifs de la Russie.
Une opinion publique allemande inquiète
L’enlisement de la guerre en Ukraine et l’ampleur de l’aide militaire consentie par Berlin préoccupent une frange grandissante des Allemands. Les scores records enregistrés par l’extrême droite de l’AfD et l’extrême gauche du nouveau parti BSW lors de scrutins régionaux récents en témoignent. Ces formations, créditées respectivement de la 2ème et 4ème place dans les sondages pour les prochaines législatives, réclament toutes deux l’arrêt des livraisons d’armes à Kiev.
La popularité d’Olaf Scholz en berne
Affaibli et privé de majorité parlementaire stable depuis l’éclatement de sa coalition, Olaf Scholz voit sa cote de confiance s’effriter dangereusement. De plus en plus de voix s’élèvent dans son propre camp social-démocrate pour qu’il cède la place au ministre de la Défense Boris Pistorius, nettement plus populaire, comme tête de liste pour les élections à venir.
Un “mauvais signal” pour certains partenaires européens
En France, l’ancien président François Hollande a qualifié l’initiative allemande de “mauvais signal” au moment où Donald Trump, qui promet de mettre fin au conflit ukrainien sans détailler comment, se prépare à reconquérir la Maison Blanche. D’autant que sur le fond, l’appel n’a débouché sur aucune avancée concrète, chaque protagoniste campant sur ses positions.
Un pari à quitte ou double pour le chancelier
En jouant au “chancelier de la paix” par cet appel controversé à Vladimir Poutine, Olaf Scholz espère manifestement se démarquer de ses concurrents et reconquérir une opinion allemande de plus en plus opposée à la ligne dure vis-à-vis de Moscou. Mais ce faisant, il s’expose à de vives critiques sur la scène internationale et prend le risque de se voir accuser de brouiller le message de fermeté envoyé jusqu’ici par les Occidentaux au maître du Kremlin.
“Le SPD et moi-même sommes prêts à nous engager dans cette bataille – d’ailleurs avec l’objectif de gagner”, a martelé Olaf Scholz dimanche.
Olaf Scholz, chancelier allemand
Reste à savoir si ce coup de poker suffira à redresser une popularité bien mal en point et à convaincre des électeurs allemands échaudés par les sacrifices consentis pour l’Ukraine. Une chose est sûre : le chancelier joue gros à moins de six mois d’élections législatives anticipées qui s’annoncent pour le moins incertaines.