Le très controversé accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) continue de diviser en France. Alors que le gouvernement semble enclin à signer le traité d’ici fin 2024, l’opposition monte au créneau pour réclamer un débat démocratique sur cet épineux dossier aux lourdes conséquences économiques et environnementales.
Jean-Luc Mélenchon exige un vote solennel à l’Assemblée nationale
Dans une allocution virulente ce dimanche, le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a demandé que le traité Mercosur-UE soit soumis à un vote des députés. “Nous exigeons que ce traité soit discuté à l’Assemblée nationale et qu’il ne s’applique pas si les Français ne le votent pas” a-t-il martelé.
Le groupe LFI entendait porter une proposition de résolution contre l’accord lors d’une niche parlementaire fin novembre. Refus de l’exécutif qui l’a jugée irrecevable. Même sort pour une demande similaire du Rassemblement national début octobre. Un déni de démocratie pour l’Insoumis qui accuse : “Monsieur Macron, arrêtez votre cirque avec le Mercosur”.
Les agriculteurs vent debout contre le traité
Du côté des agriculteurs, c’est la levée de boucliers. Les principales fédérations du secteur appellent à une vaste mobilisation nationale à partir de lundi pour dénoncer un accord qui “sacrifie l’agriculture française”. Principal grief : le spectre d’un déferlement de produits sud-américains aux normes sanitaires et environnementales bien moins strictes.
“Avec cet accord, notre viande va nous rester sur les bras. On ne pourra pas lutter contre l’afflux massif de viande bovine venue du Brésil ou d’Argentine, qui ne répond pas à nos standards de qualité.”
– Christiane Lambert, présidente de la FNSEA
La semaine s’annonce agitée avec des opérations coup de poing prévues sur tout le territoire : blocages de routes et de dépôts pétroliers, manifestations devant des préfectures… Les agriculteurs sont remontés et bien décidés à se faire entendre.
Déforestation et dérèglement climatique pointés du doigt
Au delà des inquiétudes du monde paysan, de nombreuses voix s’élèvent pour alerter sur l’impact écologique désastreux du traité Mercosur-UE. En cause : l’intensification de l’agriculture intensive qui risquerait d’accélérer la déforestation, notamment en Amazonie, et d’aggraver le dérèglement climatique.
Selon des estimations de la commission européenne, la ratification de l’accord ferait bondir de 25% à 35% les importations de bœuf en provenance du Mercosur. Une catastrophe environnementale annoncée pour les ONG qui dénoncent les pratiques d’élevage et de culture du soja du Brésil de Bolsonaro, peu soucieuses des dommages infligés aux écosystèmes.
“En l’état, l’accord UE-Mercosur est une bombe climatique. Il va attiser la crise écologique en Amazonie et torpiller tous les efforts pour atteindre la neutralité carbone. C’est un permis de détruire la planète et la biodiversité au nom du business.”
– Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France
Le gouvernement français peut-il bloquer la ratification ?
Face à la bronca, l’exécutif temporise mais n’exclut pas d’opposer son veto à l’accord Mercosur-UE si certaines “lignes rouges” venaient à être franchies. C’est ce qu’a laissé entendre le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, jugeant le texte “inacceptable en l’état”.
Problème, la marge de manoeuvre de Paris apparaît réduite à mesure que les négociations avancent à Bruxelles. Un vent favorable au traité semble souffler dans les instances européennes, sous l’impulsion de l’Allemagne et de l’Espagne qui voient d’un bon œil ce débouché pour leurs exportations industrielles.
“La France peut et doit encore peser de tout son poids pour bloquer cet accord déséquilibré et néfaste pour notre environnement, nos emplois, notre modèle alimentaire. Il en va de notre souveraineté.”
– Fabien Roussel, secrétaire national du PCF
Vers un référendum pour trancher sur le Mercosur ?
Pour sortir de l’impasse, certains responsables politiques, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon, suggèrent de soumettre la question à référendum. Une consultation qui permettrait aux citoyens français d’avoir le dernier mot sur ce dossier crucial.
Une option pour l’heure écartée par l’exécutif, qui privilégie la voie parlementaire. Mais la pression monte et la contestation prend de l’ampleur jour après jour. Face à une opinion publique de plus en plus rétive, l’Élysée pourrait être contraint de revoir sa position.
Une chose est sûre : le feuilleton Mercosur est loin d’avoir livré son épilogue. Entre intérêts économiques, enjeux environnementaux et aspirations démocratiques, la France et l’Europe vont devoir trancher. Et assumer le choix cornélien d’enterrer ou de faire vivre ce traité qui divise et enflamme les passions.