C’est un coup de tonnerre qui vient de s’abattre sur Hong Kong. Ce jeudi, la Haute Cour du territoire a rendu son verdict dans le plus grand procès pour atteinte à la sécurité nationale jamais intenté. Sur les 16 militants pro-démocratie jugés, 14 ont été reconnus coupables de « complot en vue de commettre un acte de subversion ». Une condamnation lourde de sens pour l’avenir des libertés à Hong Kong.
47 militants dans le viseur de Pékin
Les 16 accusés faisaient partie d’un groupe de 47 personnalités issues des milieux politique, universitaire et de la société civile. Tous avaient été inculpés en lien avec l’organisation d’une primaire électorale non officielle en juillet 2020. Plus de 600 000 Hongkongais y avaient participé pour désigner les candidats de l’opposition aux législatives, finalement reportées.
Mais à peine 2 semaines après l’entrée en vigueur de la draconienne loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin, les autorités avaient averti que ce scrutin pouvait constituer un acte de subversion. En janvier 2021, la police avait procédé à une cinquantaine d’arrestations, dont 47 personnes finalement inculpées dans cette affaire sans précédent.
Des peines pouvant aller jusqu’à la perpétuité
Parmi les figures les plus connues figurent Joshua Wong, visage du « Mouvement des Parapluies » de 2014, et Benny Tai, universitaire et autre leader du camp pro-démocratie. Si la plupart des accusés sont en détention provisoire depuis plus de 3 ans, 31 avaient plaidé coupable dans l’espoir d’obtenir une peine plus clémente. Les 14 militants ayant plaidé non coupable, dont 2 ont finalement été acquittés, encourent désormais des peines allant jusqu’à la prison à vie.
Ce procès n’est pas seulement celui de ces 47 individus, c’est un procès contre le mouvement pro-démocratie à Hong Kong.
– Eric Yan-ho Lai, chercheur au Georgetown Center for Asian Law
Une parodie de justice dénoncée
Pendant le procès débuté en février 2023, l’accusation a soutenu que les prévenus cherchaient à paralyser le gouvernement hongkongais en s’engageant à refuser systématiquement le budget. La défense a rétorqué que cette manœuvre était constitutionnelle et ne pouvait être qualifiée de « subversive » sans recours à la violence ou à des moyens illégaux.
Mais dans le contexte actuel, l’issue semblait jouée d’avance. Hong Kong affiche un taux de condamnation de 100% pour les procès en lien avec la sécurité nationale. Ceux-ci se déroulent selon des règles dérogatoires, avec notamment une présomption contre la libération sous caution. Près de 300 personnes ont déjà été arrêtées sur la base de cette loi liberticide.
L’opposition décapitée, l’avenir de Hong Kong en question
Au-delà des lourdes peines planant au-dessus de leurs têtes, les militants prodémocratie ont déjà payé le prix fort. Nombre d’entre eux ont passé plusieurs années en détention, loin de leurs proches. Certains, comme l’ex-leader du Parti démocrate Wu Chi-wai, ont perdu leurs deux parents depuis leur incarcération.
Cette condamnation de masse des figures de l’opposition laisse présager du pire pour l’ex-colonie britannique. Selon les experts, Pékin ne compte pas s’arrêter en si bon chemin dans sa reprise en main musclée du territoire :
- En décembre 2021, des élections législatives ont été organisées selon de nouvelles règles ne permettant qu’aux « patriotes » de se présenter
- En mars dernier, le parlement hongkongais, purgé de toute opposition, a adopté à l’unanimité une loi sur la sécurité locale
- Mardi, les premières arrestations liées à des publications « séditieuses » sur les réseaux sociaux ont eu lieu
L’agenda sécuritaire est en train de s’étendre à tous les aspects de l’État de droit à Hong Kong.
– Eric Yan-ho Lai
25 ans après sa rétrocession à la Chine, Hong Kong est en train de voir s’évanouir les libertés qu’on lui avait promises jusqu’en 2047. Ses militants prodémocratie en ont fait les frais les premiers. Mais c’est tout un système qui est en train de vaciller. Le verdict rendu dans ce procès fleuve sonne comme un glas pour l’avenir de l’ex-colonie britannique.