C’est une crise migratoire explosive qui se joue actuellement aux portes de l’Europe. Selon une source proche du dossier, plus de 50 000 migrants originaires d’Afrique subsaharienne sont actuellement bloqués dans des camps de fortune dans le nord de la Tunisie, notamment autour de la ville de Sfax. Partis sur les routes avec l’espoir d’une vie meilleure de l’autre côté de la Méditerranée, ils se retrouvent aujourd’hui dans une situation humanitaire dramatique, pris en étau entre des passeurs sans scrupules et la répression violente des autorités.
L’enfer à ciel ouvert des camps de Sfax
Aux alentours de Sfax, deuxième ville du pays, les oliveraies sont devenues un vaste camp informel où s’entassent des dizaines de milliers d’exilés en quête d’un avenir meilleur. Vivant dans des conditions d’hygiène déplorables, ils s’abritent tant bien que mal sous des tentes ou des abris de fortune. Les accès à l’eau, la nourriture et les soins y sont très limités.
« Nous vivons comme des animaux ici, à même le sol, dans la saleté et le froid », confie Bilal, un jeune Tchadien de 19 ans. « Des enfants sont nés ici et n’ont jamais connu autre chose que la boue et la misère de ce camp. C’est un enfer mais nous n’avons nulle part où aller. »
Piégés par les passeurs
Arrivés en Tunisie au péril de leur vie après un long périple depuis l’Afrique de l’Ouest et centrale, les migrants se retrouvent à la merci des réseaux de passeurs qui organisent les traversées illégales vers l’Europe. Contre des sommes exorbitantes, ces derniers leur font miroiter un passage vers l’eldorado européen.
Mais la réalité est tout autre. Les canots surchargés prennent la mer de nuit dans des conditions très dangereuses. « Nous étions entassés à 40 ou 50, il y avait même des femmes avec des bébés », raconte Bilal en évoquant sa tentative avortée il y a deux mois. À seulement quelques kilomètres des côtes italiennes, son embarcation a été interceptée par les garde-côtes tunisiens, financés par l’Union Européenne pour traquer les bateaux de migrants.
Violences des autorités
Car l’enfer des migrants ne s’arrête pas aux camps et aux passeurs. Ils doivent aussi affronter la répression brutale des forces de l’ordre tunisiennes. Régulièrement, la Garde nationale mène des descentes musclées dans les campements pour traquer les candidats à l’exil.
« Ils arrivent de jour comme de nuit, frappent tout le monde, brûlent les affaires. Ils nous traitent comme du bétail. On se cache mais ils finissent toujours par nous trouver. »
Témoignage d’un migrant ivoirien
D’après plusieurs témoignages concordants, les exactions sont légion : passages à tabac, vols, destructions d’abris, arrestations arbitraires… Les ONG dénoncent un « acharnement » contre une population vulnérable, avec la complicité de l’UE qui finance les opérations anti-migrants.
Ni partir, ni rester
Pris au piège en Tunisie, de nombreux migrants n’ont plus d’autre choix que de tenter la traversée au péril de leur vie, quitte à finir noyés en Méditerranée. D’autres voudraient même rentrer dans leur pays d’origine, épuisés par des mois d’errance.
Mais sans argent ni papiers, le retour est un chemin de croix quasi impossible. Ils sont condamnés à rester indéfiniment dans ces camps sordides, sans espoir d’avenir. Une situation intenable et explosive, symptôme de l’échec total des politiques migratoires aux frontières de la « forteresse Europe ».