L’élection de Donald Trump n’est pas seulement une victoire électorale, c’est un séisme politique qui ébranle le système en place aux États-Unis et au-delà. D’après une analyse de l’essayiste québécois Mathieu Bock-Côté, ce résultat marque un tournant majeur : la défaite d’un establishment qui semblait tout-puissant et l’affirmation d’une droite antiwoke, en particulier chez les jeunes hommes.
Un réalignement politique en marche
Depuis les années 1990, une convergence idéologique régnait entre les élites démocrates et républicaines, unies autour d’un même “messianisme démocratique” sacralisant le leadeurship américain. Cette adhésion a conduit à des interventions militaires désastreuses et à une mondialisation destructrice pour les classes populaires. Face à ce consensus, Trump incarne une rupture.
Son élection massive, y compris au vote populaire, est le signe d’un réalignement politique. Malgré une mobilisation sans précédent du système médiatique et culturel dominant pour le diaboliser, il sort victorieux. C’est un camouflet pour ceux que Bock-Côté qualifie de partisans d’un “totalitarisme doux”, imposant leur idéologie sous couvert de progrès.
La droitisation antiwoke des jeunes hommes
Un des ressorts de la victoire trumpiste est le vote des jeunes hommes. Ils se détournent massivement des démocrates, ayant le sentiment d’être les laissés pour compte d’une gauche woke obnubilée par les questions identitaires. Discriminés à l’embauche et à l’université au nom de la “diversité”, culpabilisés en permanence, ils se reconnaissent dans le discours viril et décomplexé de Trump.
La droitisation antiwoke des jeunes hommes est visible partout en Occident.
Mathieu Bock-Côté
Ce phénomène dépasse les frontières américaines. En France, au Royaume-Uni, au Canada, les mêmes tendances sont à l’œuvre. Une partie de la jeunesse masculine rejette le discours culpabilisant et moralisateur de la gauche sur les sujets de société. Elle aspire à retrouver sa place et sa fierté, quitte à verser dans la provocation politiquement incorrecte.
Un avertissement pour la gauche
Si elle veut reconquérir cet électorat, la gauche doit impérativement repenser son logiciel. Son embarquement dans les dérives woke l’a coupée des aspirations d’une grande partie de la population, en particulier des jeunes hommes des milieux populaires. Obnubilée par les questions sociétales, elle en a oublié les enjeux économiques et sociaux.
- Abandonner la surenchère dans la victimisation et le “politiquement correct”
- Renouer avec un discours universaliste rassembleur au lieu de diviser par l’identité
- Remettre la question sociale et les inégalités au cœur du combat progressiste
Tels sont quelques-uns des défis à relever si la gauche veut éviter de devenir durablement un parti de bobos déconnecté des aspirations populaires. L’élection de Trump doit sonner comme un avertissement : à trop pencher dans l’idéologie woke, elle prend le risque de se couper définitivement d’une partie de son socle historique.
Le wokisme face à ses limites
Aux yeux de Mathieu Bock-Côté, le succès de Trump est aussi le symptôme d’une crise profonde du wokisme. Cette idéologie qui s’est imposée dans les sphères médiatiques, culturelles et universitaires se révèle de plus en plus décalée par rapport aux aspirations de la population. Ses excès, sa radicalité, son sectarisme suscitent une réaction de rejet grandissante.
Le wokisme provoque une véritable insurrection dans la psyché occidentale.
Mathieu Bock-Côté
Loin du triomphe annoncé, le wokisme pourrait donc amorcer son reflux. Le réveil pourrait être douloureux pour ses zélateurs, persuadés d’incarner le camp du Bien et du Progrès. En voulant transformer radicalement la société à leur image, ils ont fini par la fracturer. L’élection de Trump est un retour de bâton cinglant pour cette gauche hors-sol.
Un tournant civilisationnel ?
Au-delà de l’analyse politique, Mathieu Bock-Côté voit dans le triomphe trumpiste le signe d’une évolution bien plus profonde dans le monde occidental. C’est un désaveu cinglant pour les élites mondialisées qui pensaient pouvoir gouverner les peuples sans leur consentement, au nom d’un Progrès autoproclamé. C’est aussi le réveil d’une Amérique qu’on croyait disparue, celle des perdants de la mondialisation.
Cette Amérique des oubliés et des méprisés, qui ne se reconnaît plus dans le logiciel idéologique du système dominant, a trouvé en Trump un porte-voix. Au-delà de sa personne, c’est tout un peuple qui se révèle et qui remet en cause un ordre qu’on pensait immuable. Un mouvement tektonique est à l’œuvre, dont les ondes de choc risquent de se propager bien au-delà des États-Unis.
L’élection de Trump nous place donc face à un possible tournant civilisationnel. Le système politico-médiatique dominant pensait avoir fait triompher partout son logiciel idéologique. Il se croyait à l’abri de toute remise en cause. C’était sans compter le réveil des peuples, qui ne supportent plus qu’on leur impose un avenir dont ils ne veulent pas.
Jusqu’où ira ce mouvement de fond ? Nul ne peut le dire avec certitude. Mais une chose est sûre : aucun retour en arrière ne sera possible. Un cycle s’achève, un nouveau monde émerge. Et face à ce changement d’époque, les vieilles recettes idéologiques ont fait long feu. Place désormais à la lucidité et au pragmatisme. L’ère des belles promesses et des illusions lyriques est révolue.