Ce dimanche, les Sénégalais se sont rendus aux urnes pour élire leurs 165 députés qui siégeront à l’Assemblée nationale pour les cinq prochaines années. Un scrutin crucial qui permettra de mesurer la popularité du pouvoir en place, huit mois seulement après l’élection à la présidence de Bassirou Diomaye Faye. Arrivé au pouvoir en mars dernier, cet avocat sans expérience exécutive préalable porte les espoirs d’une population jeune, éprouvée par trois années de crises politiques et économiques, et aspirant profondément au changement.
Un mandat de « rupture » et de justice sociale
Pendant la campagne présidentielle, Bassirou Diomaye Faye et son mentor Ousmane Sonko, devenu Premier ministre, se sont fait les chantres d’un « panafricanisme de gauche », promettant de rompre avec les pratiques du passé et de bâtir une société plus juste et inclusive. Parmi les chantiers prioritaires figurent :
- La révision de la Constitution pour renforcer les pouvoirs du Parlement et instaurer une limite d’âge pour se présenter à la présidence (75 ans).
- Une politique sociale ambitieuse avec la création d’un revenu universel, la gratuité des soins pour les moins de 5 ans et les plus de 60 ans, la baisse des prix des denrées de première nécessité.
- Un plan massif pour l’emploi des jeunes, une priorité dans un pays où près d’un actif sur deux a moins de 20 ans.
- La réforme de la justice, accusée d’être inféodée au pouvoir politique, et la lutte contre la corruption.
Mais pour mettre en œuvre ce programme, encore faut-il que le pouvoir dispose d’une majorité confortable au Parlement. D’où l’importance de ces législatives qui doivent permettre au Pastef, le parti présidentiel, d’asseoir sa domination sur l’Hémicycle.
En quête des trois cinquièmes
L’objectif est clair : obtenir au moins 99 sièges sur 165, soit les trois cinquièmes, seuil requis pour pouvoir réviser la Constitution sans passer par un référendum. Cette majorité qualifiée permettrait également de mettre en accusation l’ancien président Macky Sall, une promesse de campagne de Bassirou Diomaye Faye.
Pendant des mois, le nouveau pouvoir a dû composer avec une Assemblée nationale encore dominée par les soutiens de l’ancien chef de l’État, donnant lieu à une cohabitation houleuse. Le président Faye a d’ailleurs saisi la première occasion constitutionnelle pour dissoudre l’Assemblée en septembre dernier et provoquer ces législatives anticipées.
Un pouvoir « hégémonique » ?
Face au rouleau compresseur du Pastef, l’opposition met en garde contre les dangers d’un pouvoir « hégémonique » qui serait, selon elle, synonyme de dérive autoritaire. Elle dénonce un pouvoir « extrémiste », « populiste » voire « incompétent », mettant en doute sa capacité à relever les immenses défis du pays.
Mais historiquement, les Sénégalais confirment aux législatives leur vote de la présidentielle, rappellent les analystes. Selon les derniers sondages, le Pastef pourrait obtenir entre 105 et 115 députés, loin devant ses adversaires.
Il y a une vraie aspiration au changement, les gens veulent donner sa chance à ce pouvoir. Après des années de crise et de stagnation, ils sont prêts à lui accorder les coudées franches pour qu’il puisse vraiment transformer le pays.
– Un politologue proche des milieux présidentiels
La priorité des priorités : l’emploi des jeunes
Dans les bureaux de vote de Dakar, la question de l’emploi des jeunes revient comme un leitmotiv. À l’image de Pascal Goudiaby, 56 ans : « J’espère que le Pastef va gagner les élections pour avoir la majorité, c’est pour mieux dérouler leur mandat. La priorité c’est le chômage, les jeunes sont tellement confrontés au chômage. »
Un constat partagé par de nombreux observateurs. Avec un taux de chômage des 15-34 ans avoisinant les 25% et des dizaines de milliers de jeunes arrivant chaque année sur le marché du travail, l’emploi est devenu la question centrale dans ce pays de 16 millions d’habitants dont plus de la moitié a moins de 20 ans.
Si le pouvoir échoue sur la question de l’emploi des jeunes, il échouera tout court. C’est un défi existentiel pour la stabilité et l’avenir du pays.
– Un économiste sénégalais réputé
Premières tendances attendues lundi matin
Les bureaux de vote ont ouvert à 8 heures ce matin et fermeront à 18 heures. Selon des sources proches de la Commission électorale, de premières tendances fiables pourraient être disponibles dès lundi matin, donnant une indication claire des nouveaux équilibres au sein de l’Assemblée nationale.
Une chose est sûre : le nouveau pouvoir sera attendu au tournant dès la reprise des travaux parlementaires prévue début décembre. Avec une marge de manœuvre budgétaire limitée, il devra déterminer ses priorités et faire preuve de créativité pour financer ses promesses de campagne. La tâche s’annonce ardue mais le défi est à la hauteur des espoirs suscités.