C’est un geste fort et symbolique qu’Emmanuel Macron s’apprête à accomplir ce dimanche à Buenos Aires. Le président français va rendre hommage aux victimes, notamment françaises, de la sombre période de la dictature militaire argentine entre 1976 et 1983. Un moment solennel prévu devant l’église Santa Cruz, haut lieu de mémoire de la résistance, avant une rencontre plus délicate avec son homologue argentin Javier Milei, connu pour ses positions ambiguës sur cette page tragique de l’histoire.
L’église Santa Cruz, symbole de la répression
C’est un endroit chargé d’histoire et d’émotion qu’a choisi le couple présidentiel pour ce déplacement mémoriel. L’église Santa Cruz à Buenos Aires est en effet intimement liée à l’engagement des Mères de la Place de Mai. Ces femmes courageuses qui ont osé défier la junte militaire en réclamant la vérité sur le sort de leurs proches disparus.
Mais en ce mois de décembre 1977, la dictature décide de frapper un grand coup. Plusieurs de ces mères fondatrices ainsi que deux religieuses françaises, Léonie Duquet et Alice Domon, sont enlevées, torturées puis assassinées après une réunion dans cette église. Leurs corps seront jetés dans le Rio de la Plata depuis un avion militaire, tristement surnommé “vol de la mort”. Une pratique barbare qui fera au total près de 30 000 victimes selon les associations de défense des droits de l’homme.
La France n’oublie pas ses ressortissants disparus
Emmanuel Macron n’est pas le premier président français à honorer la mémoire des religieuses Léonie Duquet et Alice Domon, figures emblématiques des 22 Français disparus pendant la dictature. Mais sa venue revêt une symbolique particulière dans le contexte politique actuel en Argentine.
Le nouveau président Javier Milei et sa vice-présidente Victoria Villarruel, elle-même issue d’une famille de militaires, sont en effet régulièrement accusés de vouloir réécrire l’histoire. Ils contestent l’utilisation du terme “dictature”, préférant parler de “guerre contre le terrorisme”, et n’hésitent pas à revoir à la baisse le bilan de la répression. Des prises de position choquantes pour les proches des victimes et les défenseurs des droits de l’homme.
L’ombre d’Alfredo Astiz, le “boucher” de l’ESMA
La venue d’Emmanuel Macron est aussi l’occasion pour les familles de Français disparus de réclamer à nouveau la vérité et la justice. Elles s’inquiètent notamment d’une possible libération d’Alfredo Astiz, sinistre figure de la répression surnommée “l’ange blond de la mort”.
Cet ex-capitaine de la marine condamné par deux fois à la perpétuité en Argentine est directement impliqué dans l’enlèvement et l’assassinat des sœurs Léonie et Alice. Également condamné par contumace à la prison à vie en France en 1990, il n’a jamais été extradé pour purger sa peine.
Une “occasion manquée” pour les familles françaises
Si l’Élysée affirme qu’il n’y a “pas de remise en cause à ce stade des procédures judiciaires” et ne pas vouloir s’immiscer dans la politique argentine, les familles attendaient un message plus ferme. Ainsi, Jean-Pierre Lhande, président de l’Association des parents et amis des Français disparus en Argentine, dénonce un hommage “insuffisant”. Il souhaiterait la nomination d’un responsable français dédié à la recherche des disparus, une demande vaine jusqu’ici alors que le temps presse.
Au-delà des déclarations et des symboles, Emmanuel Macron saura-t-il convaincre Javier Milei d’ouvrir les archives de cette période trouble et de maintenir les condamnations des bourreaux ? Les familles de disparus attendent des avancées concrètes. Pour que la lumière soit enfin faite sur les crimes de la dictature et que la mémoire de toutes les victimes soit honorée, françaises comme argentines.
