Dans la nuit du 16 août 2019, les coups de feu ont déchiré le silence des rues endormies du quartier Saint-Charles à Marseille. Au cœur de ce décor inquiétant, un bar mal famé dont le rideau à moitié tiré peine à cacher les marginaux qui s’y attardent bien après l’heure légale de fermeture. C’est là, pour un motif des plus futiles, qu’Abdelaziz Saad a failli commettre l’irréparable.
Le drame d’une poignée de main refusée
Vers 3 heures du matin ce soir-là, Abdelwaheb B., un colosse de près de 2 mètres pesant 110 kilos, franchit le seuil du troquet après une partie de pêche improvisée dans le Vieux-Port. Malgré l’heure tardive, une dizaine de clients sont encore attablés dans ce repaire bien connu des noctambules et des âmes en perdition. C’est alors qu’entre en scène Abdelaziz Saad, l’arme à la main et passablement éméché. Selon des témoins, une simple poignée de main refusée par Abdelwaheb aurait mis le feu aux poudres.
« Pour un geste anodin, un signe de respect non rendu, on en arrive à tirer sur quelqu’un à bout portant », déplore un habitué. « Ça en dit long sur l’état d’esprit qui règne dans le quartier ».
Éconduit et pris de boisson, Abdelaziz Saad sort une arme de poing, un 9 mm selon l’enquête, et fait feu à deux reprises en direction d’Abdelwaheb, le touchant à la cuisse et à l’abdomen. Grièvement blessé, ce dernier sera tout de même tiré d’affaire après une hospitalisation en urgence à la Timone. Mais pour quelques mots de travers, le pire a été évité de justesse.
18 ans de réclusion criminelle
Ce vendredi 15 novembre 2024, plus de 4 ans après les faits, Abdelaziz Saad était jugé devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône pour tentative de meurtre. Reconnu coupable, il a été condamné à 18 années de réclusion criminelle. Une peine à la hauteur du caractère sordide et prémédité du crime, commis pour un motif futile « à une heure avancée de la nuit, par un homme armé et alcoolisé » comme l’a souligné l’avocat général.
Au-delà du drame humain, cette histoire met en lumière l’insécurité grandissante dans certaines zones sensibles de la cité phocéenne. Des quartiers où comme le relate un riverain, « des populations aux parcours difficiles, venues du monde entier, se retrouvent et s’affrontent pour un oui ou pour un non ». Un constat amer partagé par les forces de l’ordre, confrontées à une hausse préoccupante des violences gratuites sur fond de trafics en tous genres.
Pour un geste anodin, des vies brisées
Cette affaire dramatique illustre tristement la banalisation de la violence et le manque de respect pour la vie humaine dans certains milieux interlopes. Pour une simple poignée de main refusée, deux destins ont basculé : celui d’un homme grièvement blessé et défiguré à vie, et celui d’un autre qui passera de longues années derrière les barreaux. Reste à savoir si cette lourde condamnation saura endiguer le fléau de la criminalité qui ronge Marseille. Une ville meurtrie où un geste du quotidien peut encore vous coûter la vie au coin d’un bar mal éclairé, pour peu que vous ayez croisé la mauvaise personne au mauvais moment.